mardi 16 mai 2023

Peut-on construire un climat de civilité à partir du leadership éthique ?

Par Jean Poitras et Solange Pronovost

Personne ne sera surpris d’apprendre que les gestionnaires détiennent un rôle clé sur l'instauration et le maintien d'un climat de civilité au sein d’une organisation. Par exemple, un leadership laisser-faire pourra favoriser l’apparition de l’incivilité et parfois même de comportements déviants. À l’inverse, une direction autocratique n’est pas nécessairement mieux. Bien que ce type d'interaction puisse limiter l’incivilité, il n’est pas forcément garant d’une ambiance où règne la civilité. Selon les recherches, le leadership éthique serait la clé de l’établissement de relations entre collègues empreintes de politesse et de courtoisie. Il est à noter que la manière d'assumer la gestion est une dimension qui peut être combinée à différentes autres façons : démocratique, transformative, etc. En fait, il s’agit d’un ensemble de valeurs qui guident les prises de décisions et la manière de se comporter avec ses subordonnés. Mais qu’est-ce au juste que le leadership éthique et comment maximiser son impact sur la dynamique de groupe ?

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Leadership éthique. Tel que mentionné, la littérature scientifique présente plusieurs formes de leadership. On divise généralement le style (ex : autocrate, laisser-faire et transformatif) en dimension (ex : considération, charisme, vision). L’un des aspects du type de gestion particulièrement associé au climat de civilité est le leadership éthique. Cette facette a été conceptualisée comme étant composée de trois éléments présents dans les interactions avec les employés: être un exemple moral, traiter les gens équitablement et promouvoir activement les comportements normativement appropriés. Plus précisément, les gestionnaires qui font preuve de leadership éthique démontrent les caractéristiques suivantes :
  • communiquent des normes éthiques claires à leurs employés
  • donnent un exemple de comportement éthique dans ses décisions et ses actions
  • sont honnêtes et disent la vérité, même si celle-ci est une mauvaise nouvelle
  • tiennent leurs promesses et leurs engagements
  • insistent pour faire ce qui est juste et éthique, même quand ce n'est pas facile ou populaire

Le Code de vie comme courroie de transmission. L’effet du leadership éthique sur la dynamique de groupe passe par le Code de vie des employés. En effet, lorsque le comportement du gestionnaire est congruent avec les règles régissant les salariés, l’influence positive du leader sur le climat de travail est significativement rehaussée. Cette attitude renforce alors les attentes du groupe et donne de la crédibilité à l’engagement de ses membres envers un climat de civilité au travail. Bien entendu, un leadership éthique aura un impact positif sur les relations entre les gestionnaires et leurs employés, mais sans Code de vie, il y aura moins d’effet d’émulation sur les relations entre les employés. Or, comme le but est de créer une dynamique de groupe positive, l’intervenant en gestion de conflits doit donc s’assurer de mettre entre place les deux éléments de l’équation afin de maximiser l’impact de son intervention.

La diffusion des normes éthiques. En plus de contribuer à l'établissement durable d'un climat de civilité, le leadership éthique a aussi un impact favorable pour combattre la discrimination. En effet, certaines recherches ont démontré que ce type de gestion diminue les biais raciaux et sexistes au travail. Il s’agirait essentiellement d’un effet de modelage : les comportements du gestionnaire développent une culture de civilité et contribuent à une plus grande inclusion. Le leadership éthique offre donc une pierre deux coups : réduire l'incivilité ainsi que la discrimination. Ainsi, on peut en conclure que miser sur un Code de vie et sur le leadership éthique constitue une bonne stratégie pour changer une culture minée par la discrimination et le sexisme.

Former, coacher et encourager les gestionnaires à adopter un style de gestion éthique est l’une des clés importantes pour désamorcer un climat d’incivilité ou encore construire une dynamique de groupe empreinte de civilité. Mais qui plus est, il s'agit d'une démarche qui a intérêt à ne pas être mise en œuvre en vase clos. En effet, c’est la combinaison d’un leadership éthique avec un Code de vie qui, selon les études et notre expérience, semble être la meilleure approche. De surcroît, l'instauration d'un tel contexte avant que les problèmes d’incivilité, de harcèlement ou de conflits ne se manifestent est une excellente stratégie de prévention. Malheureusement, cet investissement en temps et en énergie s'avère rarement une priorité des services de ressources humaines. Comme le dit si bien Machiavel : «L'habituel défaut de l'homme est de ne pas prévoir l'orage par beau temps.»

Références
  • BUREAU, Julien S., GAGNÉ, Marylène, MORIN, Alexandre JS, et al. Transformational leadership and incivility: A multilevel and longitudinal test. Journal of interpersonal violence, 2017, p. 0886260517734219.
  • WALSH, Benjamin M., LEE, Junghyun Jessie, JENSEN, Jaclyn M., et al. Positive leader behaviors and workplace incivility: The mediating role of perceived norms for respect. Journal of business and psychology, 2018, vol. 33, no 4, p. 495-508.
  • YOUNG, Kim A., HASSAN, Shahidul, et HATMAKER, Deneen M. Towards understanding workplace incivility: gender, ethical leadership and personal control. Public Management Review, 2019, p. 1-22.

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