dimanche 11 novembre 2007

Les Approches de gestion de conflits

Par Jean Poitras, Ph.D.

Les procédures possibles pour résoudre un conflit sont nombreuses : attentisme, grève ou lock-out, arbitrage ou procès, négociation, etc. Cependant, nous pouvons regrouper ces procédures selon leur logique sous-jacente. Ainsi, nous pouvons établir quatre logiques principales : l’exonération des responsabilités, l’imposition de la volonté, le respect des règles et l’accommodation des préoccupations. Chaque groupe de procédures constitue une approche de gestion de conflits. Nous avons donc quatre approches comprenant plusieurs procédures.

Approche axée sur l’évitement
La première approche de gestion de conflits est celle de l’évitement. À première vue, cette approche peut sembler convenir à gérer un conflit puisque aucune énergie n’est investie dans le traitement nécessaire à la résolution du problème. C’est pourquoi il est prétendu que l’évitement répond à la logique de l’exonération des responsabilités. Selon cette logique, si nous lui accordons un délai suffisant, le conflit disparaîtra de lui-même et il ne sera ainsi pas nécessaire d’investir de l’énergie pour le régler. Malheureusement, en agissant ainsi, une organisation ne résoudra aucun conflit parce que les conditions qui l’ont provoqué, ou les causes sous-jacentes au conflit, n’auront pas été abordées ni même identifiées. Éviter un conflit comporte donc des risques, comme celui de voir s’aggraver le problème et le voir s’étendre à d’autres parties et à d’autres sujets de discorde.

Cette façon d’aborder les conflits consiste en l’inaction par rapport à la situation, question de laisser le temps suivre son cours (i.e. « le temps arrange bien des choses ») et de constater les résultats. En plus de permettre d’éviter d’investir de l’énergie dans la résolution d’un conflit, l’attentisme peut jouer quelques rôles stratégiques. Il peut permettre l’obtention des renseignements nécessaires pour aborder le conflit. Le passage d’un certain temps peut créer un contexte plus propice aux négociations en laissant le temps aux parties de se calmer et de décanter leurs émotions. Toutefois, à long terme, l’attentisme peut se transformer en une deuxième forme d’évitement où l’existence du problème est niée. Il y a négation de l’existence d’un conflit lorsqu’une organisation fait comme s’il n’y avait plus de conflit ou encore comme si l’ampleur du problème était si minime qu’il n’était pas digne d’attention.

Approche axée sur le pouvoir
La deuxième approche de gestion de conflits est celle axée sur le pouvoir. Le recours au pouvoir peut ainsi relever de l’affrontement, c’est-à-dire de la situation où « la victoire revient à celle des parties qui réussit à s’imposer par son poids, la supériorité de ses compétences ou son influence ». L’approche axée sur le pouvoir répond à la logique de l’imposition de la volonté. Celle-ci vise la résolution du conflit en fonction de la répartition du pouvoir entre les parties en cause dans un conflit. Selon cette logique, celui qui a le plus de pouvoir peut imposer sa volonté à l’autre et ainsi résoudre le conflit à ses conditions.

La guerre est la procédure ultime de résolution d’un conflit selon une logique d’imposition. Dans le cas d’une guerre, une des parties finit éventuellement par plier ou se rendre suite aux pressions de l’autre ou bien elle sera carrément éliminée ou écrasée. Le vainqueur imposera alors son règlement à l’autre. Les formes moins violentes de recours au pouvoir incluent les décisions d’autorité, l’indiscipline d’affrontement, les sanctions disciplinaires, le sabotage, les lock-out et les grèves, le but commun étant de pousser l’autre partie dans une guerre d’usure. Bien que les moyens soient légèrement moins sanguinaires, la logique est la même, soit contraindre l’autre à accepter ses conditions.

Approche axée sur les droits
La troisième approche de gestion des conflits est celle axée sur les droits. Cette approche repose sur la logique du respect des règles. Selon cette logique, une des parties n’a pas respecté les règles convenues et doit donc en subir les conséquences, que ce soit en termes de dédommagement, de compensation ou en subissant une quelconque mesure administrative ou disciplinaire. Ici, nous envisageons d’évaluer qui a raison et qui a tort en fonction de règles et de principes préétablis. Dans les procédures découlant de cette approche, un tiers est appelé à assurer cette évaluation pour le compte des parties, laquelle évaluation peut être complétée en fonction des droits prévus dans les lois en général, dans des actes juridiques tels que des contrats ou conventions collectives, dans des normes sociales ou des us et coutumes au sein de la société ou d’une organisation et en fonction de critères tels que la légitimité, le mérite, la crédibilité et l’équité.

L’exemple classique de cette approche de gestion de conflits est le recours aux tribunaux. Cette forme d’adjudication constitue une procédure formaliste dans le cadre de laquelle les parties plaident devant un tiers décideur impartial et autonome, un juge, qui évaluera la situation à la lumière des faits établis en preuve devant lui et du droit en vigueur avant de trancher le litige par voie de jugement. L’exécution d’un tel jugement, une fois devenu final, pourra être imposée aux parties. C’est là un des principaux attraits du recours aux tribunaux puisqu’il semble représenter un moyen sûr de pouvoir mettre un terme définitif au conflit. Notons ici que le verbe semble est utilisé volontairement pour souligner que ce moyen ne va pas jusqu’à protéger contre les représailles pouvant être exercées par la partie perdante.

Une forme d’adjudication moins rigoureuse et le plus souvent reliée aux milieux syndiqués est l’arbitrage. L’arbitrage est un processus statutaire, c’est-à-dire prévu par les lois fédérales et provinciales, notamment en matière de relations de travail et de gestion de conventions collectives. En milieu non syndiqué, l’arbitrage peut être considéré comme une forme d’adjudication privée. Dans ce cas, les parties auront préalablement convenu de soumettre un type de litige à la compétence exclusive d’un arbitre dont la décision sera nécessairement finale et exécutoire. En milieu syndiqué, la compétence de l’arbitre est déjà prévue aux diverses législations du travail et n’a pas à être établie par les parties qui ne peuvent la remettre en question. Sa décision est également finale et exécutoire, sous réserve des pouvoirs de révision de la Commission des relations du travail ou de l’exercice par la Cour supérieure de son pouvoir de contrôle et de surveillance dans les cas y donnant ouverture. Mais quelque soit le type d’arbitrage, une fois rendue devant l’arbitre, tiers neutre et impartial, les parties doivent alors défendre leurs positions respectives en administrant d’abord une preuve, puis en présentant leurs arguments.

Approche axée sur les intérêts
Enfin, la dernière approche est celle qui, axée sur les intérêts, fait appel à des procédures telles que la discussion préliminaire ou préventive, la négociation, la conciliation et la médiation. L’approche axée sur les intérêts répond à la logique de l’accommodement des préoccupations. Selon cette logique, il est possible de résoudre le conflit en produisant des solutions aptes à réconcilier les besoins de toutes les parties. Une telle approche vise la recherche d’un compromis ou d’une entente bénéfique à toutes les parties. Elle favorise à tout le moins la production d’une solution mutuellement acceptable pour toutes les parties.

Une première forme de résolution de conflits axée sur les intérêts est la négociation, une approche qui fait typiquement suite aux discussions informelles qui n’ont pas réussi à régler la mésentente par simple clarification. Pendant une négociation, les parties s’entretiennent dans le but d’en arriver à un accord sur un sujet d’intérêt commun et les échanges visent à partager les différentes visions. Non seulement les parties discutent de manière à partager leurs compréhensions mutuelles mais aussi elles essaient également de trouver une solution ou, du moins, un compromis. Mieux encore, lorsque la négociation est dite raisonnée, elle est centrée sur l’évaluation des questions à régler et des intérêts en jeu et les parties recherchent ensemble une « solution qui maximise leurs gains mutuels ». Les négociations peuvent être amorcées entre autres dans un cadre plus officiel lorsque les parties se rencontrent, par exemple, dans les bureaux des ressources humaines.

Une deuxième forme de résolution de conflits axée sur les intérêts est la négociation assistée, également appelée conciliation ou médiation. Dans ce cas-ci, une solution mutuellement acceptable est trouvée grâce à l’aide d’un tiers neutre et impartial qui « tente, par la persuasion et les arguments rationnels, d’amener les parties à une solution négociée. Différentes techniques et expertises peuvent alors être utilisées pour gérer les émotions, faire ressortir tous les éléments constitutifs du litige et alimenter la créativité des parties. Dans le cadre de son travail de facilitation, le conciliateur ou le médiateur peut proposer des éléments de solution aux parties, lesquelles sont tout à fait libres d’y adhérer ou non puisque le tiers intervenant n’a aucun pouvoir de contrainte, la solution ne pouvant être qu’en être une librement acceptée des parties. Comme intervenant externe, le médiateur développe souvent une vision différente ou nouvelle du conflit qui ouvre typiquement de nouvelles voies de solution à être explorées par les parties.

Les diverses approches de gestion de conflits décrites précédemment se retrouvent dans toute organisation, chacune d’elles comportant d’ailleurs un minimum de lutte de pouvoir et un minimum de gestion axée sur les intérêts. Toutefois, ce qui différencie les organisations sur le plan de la gestion des différends est l’accent qui est mis sur une approche au détriment d’une autre.


Référence
  • POITRAS, Jean et LADOUCEUR, André. Systèmes de gestion de conflits. Éditions Y. Blais, 2004.

1 commentaire:

>Elizabeth a dit…

Bonjour, Dans cet article, il y a une description sommaire de la résolution des conflits au sein organisationnel. D'après mon expérience, j'ai déjà entendu dire que la résolution de conflits peut varier selon l'organisation, par exemple, au niveau de la fonction public, il paraît, que les conflits, est axé sur la gestion du pouvoir des employés impliqués, il y a un comme un espèce de vouloir écraser les jeunes qui n'ont pas la permanence du poste et travaillent plus que les anciens qui ont la permanence, surtout les femmes qui obtiennent tout ce qu'elles veulent en faisant de la séduction auprès du gestionnaire chef. Dans ce cas, le jeune ne pas en mesure de faire face à ce type de problèmes. D'après vous, quelle solution on peut proposer aux employés qui subissent ce pouvoir. Je sais, qu'on voit pour l'organisation, vous pourriez proposer des solutions plus crédibles y comment faire face au gestionnaire en chef et le petit employé, tous les deux seraient gagnants (organisation et employé).