lundi 26 février 2007

Comment transformer un problème en conflit

On me demande souvent pourquoi les conflits en milieu de travail sont si fréquents. Un des éléments de réponse est la facilité de tomber dans l’escalade conflictuelle. En effet, les pièges conflictuels sont fort primitifs. Pourtant, plusieurs personnes n’en sont pas conscientes. Je vous propose donc une formule maintes fois éprouvée pour transformer avec succès un problème en conflit. Pour ce faire, vous n’avez qu’à appliquer rigoureusement les trois règles suivantes.

Première règle : personnaliser le problème au maximum. Dites-vous que s’il y a un problème, c’est la faute de l’autre. Attribuez-lui de la mauvaise foi. Mieux encore, déterminez que l’autre est le problème. Cherchez par la suite à convaincre le plus de personnes possible que vous avez raison et que l’autre a tort. Formez, si possible, des clans au bureau. Plus vous investissez de l’énergie à percevoir l’autre comme la cause du problème, moins vous risquez de trouver une solution.

Deuxième règle : rompre toute communication avec l’autre. Ne lui adressez plus la parole, sauf en cas d’extrême nécessité. Et si vous devez lui transmettre de l’information, ne le faites surtout pas en personne. Utilisez le courrier électronique. Si possible, ne parlez plus à ses amis également. Moins vous avez de contact direct avec l’autre, moins vous risquez de confronter vos perceptions. Surtout ne gâchez pas tout en clarifiant les choses avec l’autre. Laissez plutôt vos impressions guider votre interprétation de la situation conflictuelle. Elles vous mèneront assurément vers l’escalade du conflit.

Troisième règle : appliquer intégralement la loi du talion. Cette étape est la plus facile des trois. Il suffit de ne retenir que les désagréments et frustrations que l’autre vous fait subir. Cherchez par la suite à vous venger. Ne restez pas en dette, assurez-vous d’avoir toujours le dernier mot. Pour être efficace, il est primordial de ne jamais prendre en considération que vous avez parfois, vous aussi, provoqué l’autre. Convainquez-vous plutôt que vous ne faites qu’équilibrer les préjudices. Si vous êtes persévérant, la situation deviendra finalement assez invivable pour qu’une rupture devienne la seule solution envisageable.

En appliquant intégralement ces trois règles dans l’ordre prescrit, vous réussirez à coup sûr à créer un conflit très difficile à résoudre. Il ne vous restera plus qu’à voir qui craquera en premier. Relocalisation, épuisement professionnel et démission seront autant de gages de votre succès!

* * *

Pour les pacifistes qui voudraient dénouer un conflit, il suffit de suivre les étapes inverses. Invitez d’abord les parties à faire preuve de retenue pour briser le cycle d’action/réaction nourrissant l’escalade du conflit. Facilitez par la suite une reprise des communications directes entre les parties. Encouragez alors une clarification des perceptions pour aider les parties à dépersonnaliser le problème. Le but est de revenir au problème initial et de rechercher conjointement une solution pratique. Néanmoins, ne perdez pas de vue que le processus de désescalade est beaucoup plus difficile et lent que le processus d’escalade. Armez-vous de patience!

Pour les pragmatiques qui aimeraient prévenir les conflits, assurez-vous de briser le cycle d’escalade dès le départ. Lorsque vous personnalisez le problème, rencontrez l’autre rapidement pour clarifier les perceptions. Investissez par la suite votre énergie dans la recherche d’une solution. Cependant, prenez garde à votre ego. Ne pas personnaliser le problème, c’est aussi accepter que l’on puisse être dans l’erreur. Et cela, c’est peut-être l’aspect le plus difficile de la prévention des conflits…

© Publié par Jean Poitras, Ph.D. le 26 février 2007.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà un article qui mériterait un étude (et une médiation) approfondie !
Non seulement pour gérer un conflit existant, mais aussi pour prévenir un problème.

Cela me fait penser aux réactions possibles d’une truite dans la rivière. Si elle se laisse entraîner dans le courant naturel de la descente, elle débouche d’abord dans un fleuve boueux où elle respire mal, puis à la mer qui provoque sa mort.
En revanche, si elle va à contre courant, elle retourne vers les eaux claires, contexte d’une vie normale pour lequel elle est faite.

Merci à Monsieur Jean Poitras !
Je trouve intéressant de présenter d’abord le côté négatif (et hélas très humain) qui laisse entrevoir les conséquences désastreuses d’un conflit mal géré. Puis de terminer par le côté positif, oh combien difficile à mettre en pratique, mais qui débouche sur un bon moyen de sortir des conflits !

la vie est large a dit…

J'aime beaucoup l'approche originale et décalée adoptée dans votre article. Bravo

Unknown a dit…

Si vraiment trs intéressant maitre.

Unknown a dit…

Cet article est très intéressant
Félicitations