lundi 18 février 2013

Conflits: Le cycle d'évitement

En gestion de conflits, l'évitement peut être défini comme la préférence de l'une ou de plusieurs parties à ne pas aborder un conflit. Un parent explique à son enfant qu'ils discuteront de sa demande plus tard, en espérant que l'enfant oubliera. Un patron reporte à plus tard une discussion avec son employé frustré, en espérant que celui-ci aura le temps de se calmer. Un belligérant trouve de faux-fuyants pour retarder des négociations de paix, avec l'espoir de bâtir son rapport de force entre-temps. Ces exemples illustrent que l'évitement est un mode de gestion de conflits plutôt fréquent.

On peut distinguer deux formes d'évitement: stratégique et pathologique. L'évitement est stratégique lorsque les parties évitent un conflit pour gagner du temps avec l'objectif de régler celui-ci quand le contexte est approprié. Par exemple, une partie peut éviter d'aborder un sujet conflictuel lors d'une réunion de groupe pour confronter plus tard la personne en privé. Par contre, l'évitement est pathologique lorsqu'il devient le mode de gestion d'un conflit. Par exemple, un conflit gangrène une équipe parce que le leader, craignant d'empirer les choses, refuse de traiter la situation.

On notera que l'objectif premier de l'évitement stratégique n'est pas d'éviter un conflit, mais de créer un contexte favorable avant d'aborder celui-ci. Par contre, avec l'évitement pathologique, l'objectif de résolution a disparu et on observe plutôt une stagnation du conflit. On dira alors que les parties se retrouvent coincées dans un cycle d'évitement pathologique.

Cycle d'évitement d'un conflit

On peut définir le cycle d'évitement comme une succession d'étapes qui amènent et maintiennent les individus à s'abstenir d'intervenir face à un conflit. La mécanique du cycle est étroitement associée au phénomène des prophéties auto-réalisatrices. En effet, l'aversion pour le conflit favorise l'évitement du conflit, ce qui rend celui-ci de plus en plus difficile à gérer et justifie par le fait même l'anxiété face au conflit. Roxame Lulofs et Dudley Cahn proposent un cycle d'évitement classique en cinq étapes.


Le cycle débute par une croyance que le conflit est quelque chose que nous devrions éviter. En effet, être confronté à la situation conflictuelle peut nous rendre nerveux. En général, l'anxiété nous incite à retarder le traitement de la situation. Malheureusement, la plupart des conflits s'aggravent lorsqu'ils sont laissés à eux mêmes, de sorte que le conflit en arrive au point où il faut y faire face. Notre anxiété et la détérioration de la situation nous amener à mal gérer le conflit, confirmant ainsi la perception des conflits comme quelque chose de dangereux. Après cette étape, le cycle recommence et les parties deviennent prisonnières de leur stratégie d'évitement.

Bien que le modèle suggère que le cycle s'amorce avec les inhibitions en regard du conflit, il est tout aussi envisageable que celui-ci débute par une autre étape. Par exemple, une personne pourrait avoir une vision positive du conflit, mais être terrorisée par le comportement imprévisible d'une personne colérique. Dans cette situation, le cycle d'évitement s'amorcerait avec l'anxiété. Néanmoins, une fois amorcé, le cycle d'évitement suivra le modèle suggéré pour ce qui est de la succession des étapes. Si le point de départ peut varier, les étapes sont donc quant à elles cycliques.

Puisqu'un cycle est par nature répétitif, il est plus ou moins utile de savoir comment un cycle d'évitement s'est amorcé pour l'analyse d'un conflit. En effet, après un certain nombre de cycles, le niveau d'évitement se stabilisera et toutes les étapes seront importantes. Par exemple, il est possible qu'au début du cycle d'évitement, un gestionnaire ne se sentait pas du tout dépassé par la situation mais qu'après un certain niveau de détérioration, celui-ci n'ose plus intervenir. Si le point de départ de l'évitement est plus ou moins important, il est par ailleurs crucial de comprendre quels sont les principaux moteurs de maintien d'un conflit en mode d'évitement. En effet, la connaissance de ceux-ci sera utile pour établir une typologie des formes d'évitement pathologique.

Prochaine chronique: les types d'évitement pathologique

Sources
  • Folger, J.P, Poole, M.S. et R.K. Stutman. 2013. Working Through Conflict: Strategies for Relationships, Groups, and Organizations. Boston, MA: Pearson.
  • Lulofs, R.S. et D.D. Cahn. 2000. Conflict: From Theory to Action. Needham Heights, MA: Allyn & Bacon.
  • Pruitt, D.G. et S.H. Kim. 2004. Social Conflict: Escalation, Stalemate, and Settlement (Third edition). Boston, MA: McGraw-Hill.


1 commentaire:

Marc Bernier, médiateur a dit…

Dans les milieux syndiqués, l'évitement est LE mode de gestion privilégié.