Dans le cadre d’une négociation, la coutume veut que l’on remercie nos interlocuteurs pour les concessions reçues. Cette approche fait preuve de politesse, mais est-elle efficace? Une récente recherche semble indiquer que cela n’est pas toujours le cas (Butt et Choi, 2010). En effet, lors d’une simulation de négociation, les parties en situation de faiblesse qui ont exprimé de la gratitude suite aux concessions reçues ont conclu des ententes significativement moins bénéfiques que celles qui n’ont pas exprimé de gratitude.
Pour comprendre ce phénomène, il faut prendre en perspective le rapport de force entre les parties. En effet, l’impact négatif de la gratitude sur le résultat d’une négociation ne vaut que pour les parties en situation de faiblesse. Selon les auteurs, les parties en situation de pouvoir interprètent la gratitude exprimée comme un signe qu’ils n’ont plus besoin de faire de concession. Cependant, pour les parties en situation de force, exprimer de la gratitude n’a aucun impact sur le résultat de la négociation.
Est-ce à dire que les parties en situation de faiblesse ne devraient pas exprimer de gratitude? Les résultats de la recherche sont plus nuancés. Si la manifestation de gratitude a un impact négatif sur le résultat de l’entente, elle diminue néanmoins l’attitude intransigeante de l’interlocuteur en situation de force. L’expression de gratitude rend donc les négociations plus agréables pour la personne en situation de faiblesse.
Comment exprimer alors sa gratitude pour diminuer l’attitude intransigeante de l’autre, sans nuire à ses chances d’obtenir des concessions? Bien que les auteurs ne proposent pas de solution à ce dilemme, mon expérience et mes observations suggèrent une stratégie possible pour les parties en situation de faiblesse. Il s’agit de reconnaître les concessions faites sans pour autant qualifier ou remercier directement l’autre. Ainsi, au lieu de dire « je vous remercie pour votre concession », une partie devrait plutôt dire « j’apprécie votre effort pour trouver un compromis ». L’idée est de montrer à l’autre que vous appréciez la recherche d’un compromis sans donner un signal que la concession est suffisante pour conclure une entente.
Source: Butt, A.N. et J.N. Choi. 2010. « Does power matter? Negotiator status as moderator of the relationship between negotiator emotion and behavior » International Journal of Conflict Management, 21 (2), pp. 124-146.
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1 commentaire:
Il m'arrive parfois de coacher les parties en situation de faiblesse pour éviter que par peur de représailles, elles acceptent trop vite une solution.
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