lundi 21 février 2011

Médiation: Que suggère la théorie de la complexité?

Par Jean Poitras, Ph.D.

Selon la théorie de la complexité, les conflits ont tendance à modifier la dynamique d'un groupe de façon à rendre la résolution de celui-ci plus difficile. Par exemple, les individus en conflit peuvent décider de rompre les communications, ce qui limite le potentiel de résolution et favorise ultimement le maintient d'un conflit. Ces phénomènes sont souvent décrits comme l’effet homéostatique du conflit de groupe, soit la tendance d’un conflit à s’entretenir malgré les efforts de résolution. Conséquemment, la gestion des mécanismes homéostatiques constitue la tâche numéro un du médiateur lorsque celui-ci est confronté à un conflit de groupe. Plus spécifiquement, les mécanismes homéostatiques se regroupent en deux catégories: dynamiques et cognitifs.


En ce qui concerne la dynamique de groupe, la formation de clans constitue l'un des mécanismes homéostatiques classique des conflits. En effet, la formation de clan limite les communications entres les membres du groupe et favorise l'émergence d'une mentalité de «eux contre nous». C'est pourquoi on peut remarquer, lors de réunions d'un groupe en conflit, la tendance des individus à se regrouper en clans autour de la table de discussion. Il va de soit qu'une telle configuration favorise le maintient du conflit et minimise les chances d'une discussion ouverte et productive.

À cet effet, la théorie de la complexité propose une stratégie intéressante pour modifier la dynamique d’un groupe : «brasser les cartes.» Ainsi, le médiateur astucieux peut modifier les places autour de la table afin de changer la dynamique d'un groupe. Par exemple, dans un premier temps, le médiateur peut laisser les parties prendre leurs places « naturelles » autour de la table de discussion. Ensuite, il modifie la répartition des places durant la pause (en avertissant, bien entendu, les parties de la manœuvre). Au retour, la dynamique de groupe se retrouvera nécessairement en déséquilibre.



Le médiateur doit ensuite capitaliser sur cette décristallisation de la dynamique de groupe en désamorçant les mécanismes homéostatiques cognitifs. Parmi ces mécanismes, nous retrouvons la tendance des individus (a) à mettre l’accent sur ce qui les différencie, (b) à souligner ce qui ne peut être fait et (c) à faire des menaces pour faire bouger les « choses ». Pour désamorcer un conflit de groupe, il faut d’abord modifier ces mécanismes de rétroaction.

Ainsi, le médiateur doit s’assurer de remplacer ces habitudes négatives par comportements plus propices à la résolution du conflit. Le médiateur doit (a) souligner les points communs entre les individus, (b) souligner les zones de compromis possibles et (c) encourager la formulation de propositions. Selon la théorie de la complexité, c’est en coachant les parties sur l’adoption de ces nouveaux comportements que le médiateur est le plus efficace pour désamorcer un conflit de groupe.

Un des signes qu’un conflit est en mode désescalade est l'atténuation des mécanismes homéostatiques. Par exemple, les individus se «mélangent» plus et ont une attitude plus positive par rapport à la possibilité de vivre en harmonie. Ultimement, ce n’est que lorsque la dynamique de groupe s’est assainie que le médiateur pourra aborder efficacement la recherche d’une solution gagnant-gagnant.



Référence
  • JOHNSON, Neil. Simply complexity: A clear guide to complexity theory. Oneworld Publications, 2009.

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