mercredi 27 novembre 2024

Que peuvent nous apprendre les circuits électriques sur la gestion des discussions ?

Par Jean Poitras Ph.D.
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Imaginez une guirlande de Noël où les ampoules sont connectées les unes après les autres. Si une lumière grille, toutes s’éteignent, et plus on ajoute d’ampoules, moins elles brillent, car l’énergie se divise. Cela illustre l’interdépendance : si un élément du système bloque ou ralentit, c’est toute la dynamique collective qui est affectée, comme dans une plénière où la réflexion procède d’une progression harmonieuse des idées.

En utilisant un raisonnement analogique pour expliquer la dynamique de groupe, nous comparerons les individus aux composants d’un circuit électrique, les idées aux électrons en mouvement, et la fluidité du dialogue à l’intensité du courant. Nous verrons aussi comment répartir les rôles pour favoriser cette fluidité.

Fonctionner en série ou en parallèle ?

Les circuits électriques nous aident à comprendre les dynamiques d’un groupe de discussion. En « série », comme dans une séance plénière, tout le monde suit une seule ligne de dialogue, où chaque intervention découle directement de la précédente. Cela crée une continuité, mais si un point bloque, toute l’équipe est ralentie. En « parallèle », comme avec des sous-groupes, les participants sont divisés en petits groupes indépendants, chacun travaillant sur ses idées sans affecter les réflexions des autres. Ces deux modèles illustrent comment structurer les échanges pour gérer les interactions et favoriser la circulation des idées.

La discussion en série, comme en plénière, convient aux petites équipes (5 à 8 personnes) où les tensions s’avèrent faibles, car elle aide à trouver un accord commun. Cependant, si quelqu’un bloque ou domine, cela ralentit ou arrête la réflexion. Avec beaucoup de participants, c’est aussi plus difficile à gérer. Cette méthode se révèle idéale pour des conversations calmes avec un objectif clair, mais à éviter en cas de conflits importants ou de personnalités fortes qui pourraient paralyser le dialogue.

La discussion en parallèle se révèle idéale pour les grandes équipes avec des tensions. Chaque sous-groupe avance à son rythme, ce qui réduit les blocages et permet d’explorer plusieurs idées en même temps. Une organisation en sous-structures peut limiter les effets négatifs de la compétition interne. De plus, les structures parallèles permettent à chaque individu de contribuer de manière significative. Elle demande toutefois du temps pour rassembler les propositions à la fin et une bonne organisation au départ pour expliquer les objectifs. Cette méthode s’avère utile pour gérer les conflits et encourager la créativité, mais moins adaptée si le temps manque ou si l’équipe a du mal à rassembler les résultats. Une condition gagnante consiste à bien expliquer les consignes et à prévoir un moment structuré pour partager et synthétiser les idées de chaque sous-groupe.

Prenons l’exemple d’un collectif de 20 personnes en désaccord sur un projet stratégique. En plénière, les débats successifs créent des tensions et bloquent les échanges. Pour avancer, l’équipe est divisée en quatre : deux réfléchissent des avantages et risques de l’approche innovante, et les deux autres analysent les solutions éprouvées. Chacun travaille séparément pendant une heure pour synthétiser ses idées. Ensuite, tout le monde revient ensemble pour partager les conclusions, identifier les points communs et trouver un compromis. Ce passage des sous-groupes à la plénière permet de réduire les tensions, structurer les idées et avancer ensemble.

Comment disposer les personnes en série ?

Dans un circuit en série, l’ordre des composantes se révèle essentiel pour éviter les problèmes comme les courts-circuits ou la diminution radicale du courant. Chaque élément joue un rôle précis : le générateur fournit l’énergie, la diode guide le courant, la résistance le modère, l’ampoule le transforme en lumière, et le condensateur le stocke ou le libère au bon moment. Si on ne positionne pas ces composants dans le bon ordre, le flux peut être bloqué ou perturbé. Ce principe s’applique aussi à un échange en plénière : si les fonctions des participants ne sont pas bien organisées, cela peut provoquer des blocages ou une perte de direction, rendant la discussion inefficace.

La réflexion analogique consiste à comparer les éléments d’un circuit électrique avec un dialogue. Chaque composant du circuit aide à comprendre comment placer les participants autour de la table pour que le débat reste fluide et productif.

Voici donc les grandes fonctions que les parties peuvent remplir dans une discussion :

La personne qui joue le rôle de générateur est le leader ou facilitateur principal. Sa responsabilité consiste à lancer le dialogue, d’apporter l’énergie nécessaire et de clarifier les objectifs pour que tout le monde avance dans la même direction. Le positionnement idéal se retrouve toujours au début, pour établir la dynamique et orienter le groupe dès le départ.

L’individu qui prend le rôle d’une diode est un guide qui oriente la discussion et empêche les digressions. Il aide le groupe à rester concentré sur l’objectif principal. On le positionne dans le tour de table juste après le générateur, pour s’assurer que l’énergie initiale est dirigée dans une seule direction. Si plusieurs diodes s’avèrent présentes, un facilitateur peut les mettre à différentes étapes pour guider chaque phase.

Les personnes qui adoptent le rôle d’ampoules représentent les contributeurs actifs qui partagent des idées ou des résultats concrets. Ces membres apportent de la richesse au débat en maintenant un flux constant de propositions. On compte sur eux pour générer des options de solutions ou de compromis. On les place tout au long de la discussion pour permettre aux suggestions concrètes de s’exprimer dans un cadre structuré.

Les gens qui font office de résistance correspondent aux participants critiques qui ralentissent le rythme pour poser des questions importantes ou approfondir les propositions. Ces moments se révèlent essentiels pour éviter des décisions hâtives, mais si les résistances se retrouvent mal disposées dans la séquence de discussion, elles peuvent trop ralentir le courant des idées. Généralement, on les positionne après les ampoules, pour modérer et approfondir les contributions. Si plusieurs résistances participent, le facilitateur s’assure de les placer après chaque vague de suggestions ou de contributions, mais pas l’une à la suite de l’autre.

La personne qui joue le rôle de condensateur est celle qui rassemble et organise les pensées pour les structurer à la fin de la réflexion. Il aide à synthétiser les propos. On place celle-ci tactiquement à la fin, pour regrouper et organiser les idées finales avant de conclure. Quand plusieurs condensateurs interviennent, ils peuvent collaborer en se répartissant les thèmes ou sujets abordés.

Évidemment, on doit aborder cette analogie avec prudence, mais certains éléments, tirés de mon expérience pratique, se révèlent particulièrement intéressants.

Premièrement, un facilitateur doit de prendre le temps de connaître les participants d’une plénière pour identifier leurs rôles naturels dans une discussion. Certains agiront comme des condensateurs (facilitateurs d’idées), d’autres en tant que résistances (opposants ou critiques), ou encore comme des ampoules (ceux qui mettent en lumière des solutions ou propositions). Observer leur tempérament permet de les classer en différentes catégories.

En second lieu, l’idée d’optimiser une conversation en attribuant des rôles et en structurant l’ordre d’intervention s’avère cruciale. Sinon, les participants ne se positionnent pas naturellement de manière optimale, ce qui peut compliquer la discussion. Si vous commencez un tour de table par les résistances, vous verrez vite qu’il ne reste plus de courant pour les ampoules qui suivront. Le dialogue terminera en cul-de-sac assez vite. Mais placées au bon endroit, ces mêmes personnes peuvent contribuer positivement au dialogue.

Selon mon expérience, 80 % du succès d’une discussion dépend d’une bonne organisation. On pense souvent qu’une discussion où tout le monde participe en même temps renforce l’unité. Pourtant, dans une équipe conflictuelle, cela amplifie souvent les tensions, bloque la progression et fatigue les participants. Diviser les échanges en sous-groupes permet à chacun de s’exprimer dans un cadre plus productif. Pour les discussions en série, bien organiser les interventions, comme un metteur en scène distribue les rôles, rend les échanges plus fluides et aide à trouver des solutions. Le facilitateur lance la discussion et fixe les objectifs, les contributeurs apportent des idées, les critiques posent des questions pour approfondir, et les synthétiseurs regroupent les idées pour conclure. Répartir ces rôles et leur ordre permet de garder un dialogue clair et productif. Comme on dit : « Bien planter le décor, c’est déjà jouer la moitié de la pièce. »


Références
  • Forsyth, D. R. (2014). Group dynamics. Wadsworth Cengage Learning.
  • Johnson, D. W., & Johnson, F. P. (1991). Joining together: Group theory and group skills. Prentice-Hall, Inc.

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