lundi 3 janvier 2011

Le médiateur devrait-il évaluer les options des parties?

Par Jean Poitras, Ph.D.

Jusqu'à quel point les médiateurs doivent-ils rester neutres? Un des mythes importants de la médiation est que le médiateur se doit d’être impartial par rapport aux options de solutions des parties. Pourtant, une recherche récente affirme que les médiateurs qui apprécient les options des parties sont plus efficaces que les médiateurs qui se limitent à la neutralité quant aux solutions.

En effet, dans cette étude, les médiateurs qui évaluent les options ont un taux de règlement de 79% alors que les médiateurs qui demeurent totalement neutres affichent un taux de règlement de 29%.


De plus, la recherche a également mesuré l’importance pour le médiateur d’annoncer aux parties son intention d’évaluer les options de règlement. Les résultats sont surprenants : les médiateurs qui ont annoncé leur intention d’évaluer présentent un taux de règlement de 83% alors que ceux qui n’ont pas averti les parties (mais qui évaluent tout de même) affichent un taux de règlement comparable (80%). Les résultats de cette recherche suggèrent donc que les médiateurs ne devraient pas craindre d’apprécier les options de solutions des parties, qu’ils aient averti ou non celles-ci de la possibilité d’une telle évaluation.

Néanmoins, il semble que toutes les manières de donner son opinion ne s'équivalent pas. Les auteurs proposent quatre conditions importantes pour évaluer efficacement les options des parties:
  • Il faut d'abord établir sa crédibilité quand au contenu sous-jacent au conflit (ex. expertise en construction pour un conflit dans ce domaine). Sinon les gens ne prendront pas au sérieux les conseils du médiateur.
  • Il faut aussi alterner entre l'évaluation et l'exploration. Le médiateur ne doit pas constamment évaluer ce que les gens avances, sinon il risque de nuire à la créativité des parties. Il doit parfois laisser aller les discussions.
  • Le but de l'évaluation ne doit pas être de dire que les idées sont mauvaises, mais plutôt de diminuer les aspirations des gens afin qu'elles soient plus réalistes. Le médiateur se fait l'avocat du diable pour guider les parties vers une zone d'entente.
  • Finalement, le médiateur doit évaluer les options de toutes les parties avec la même sévérité. Sinon, certaines parties auront l'impression que le médiateur est biaisé.

Mais attention! Les résultats de la recherche démontre que les médiateurs qui font pression sur les parties peuvent voir leur taux de règlement diminuer jusqu’à 11%! La règle est donc simple : vous pouvez évaluer, mais sans faire pression sur les parties. Évidemment, la ligne entre les deux est parfois mince.


Référence
  • WALL, James A. et CHAN‐SERAFIN, Suzanne. Do mediators walk their talk in civil cases?. Conflict Resolution Quarterly, 2010, vol. 28, no 1, p. 3-21.
  • WALL, James A. et CHAN‐SERAFIN, Suzanne. Friendly persuasion in civil case mediations. Conflict Resolution Quarterly, 2014, vol. 31, no 3, p. 285-303.

1 commentaire:

R.M. Médiateur et arbitre a dit…

C'est intéressant. Depuis le temps qu'on nous casse les oreilles avec la maxime que le médiateur ne devrait jamais donner son avis...