Par Jean Poitras, Ph.D.
Un paradoxe économique frappe le domaine de la gestion des conflits. Ceux-ci se multiplient partout. Ils surviennent fréquemment dans tous les milieux. En théorie, les tiers neutres devraient prospérer, car le besoin en gestion de disputes se révèle immense. Pourtant, vivre de ce métier reste difficile. Quand les gens font face à un différend, ils disent souvent : « La médiation, c’est une bonne idée, mais elle ne s’applique pas à notre situation. » Cette attitude freine l’adoption de cette méthode de résolution et limite les opportunités pour les intervenants.
Le biais d’exceptionnalité joue un rôle clé dans cette résistance. Ce biais pousse les individus à croire que leur situation s’avère unique et que les solutions éprouvées ne peuvent pas fonctionner pour eux. Les gens perçoivent leur conflit comme excessivement complexe, trop chargé émotionnellement ou trop spécifique pour tirer profit d’une méthode standard. Ils rationalisent leur réticence en affirmant que leur problème dépasse les outils disponibles. Ce mécanisme psychologique alimente leur scepticisme envers le processus, même s’ils reconnaissent son efficacité dans d’autres cas. En valorisant leur particularité, ils se ferment à une solution qui pourrait pourtant les aider à sortir de l’impasse.
Dans ce contexte, convaincre les gens que cette méthode de gestion de conflits s’avérerait un bon procédé reste difficile. Insister sur les bénéfices de cette approche ou sur la gravité de leur conflit pour les pousser à agir fonctionne rarement. Une approche plus efficace repose sur une stratégie de vente appelée vente par paliers. Cette méthode présente des étapes progressives plutôt qu’une solution complète dès le départ. Par exemple, un médiateur commence par proposer un diagnostic ou un service limité, puis introduit des interventions plus élaborées au fur et à mesure. Cette approche réduit les résistances psychologiques en instaurant un climat de confiance graduel.
Les intervenants peuvent adapter la vente par paliers en structurant leur offre en épisodes distincts avec des honoraires progressifs, ce qui réduit les résistances initiales et encourage les clients à s’engager graduellement. La première étape consiste à proposer un bilan des enjeux. Cette analyse permet d’identifier les points clés du conflit et d’en dresser un portrait clair. Les gens se montrent souvent curieux d’obtenir un tel bilan, ce qui les incite à lancer le processus. Ce palier se facture de manière autonome, offrant au médiateur de démontrer sa valeur sans exiger un engagement total.
La deuxième étape propose la facilitation d’un dialogue. Une fois les enjeux bien définis, le médiateur aide les parties à discuter d’un aspect précis ou à trouver des solutions sur des points clés du conflit. Cette intervention se facture séparément, permettant aux clients de percevoir une progression concrète dans la gestion de leur situation.
Enfin, la troisième étape vise à consolider l’entente réalisée précédemment en un document juridique. Le tiers neutre formalise les résultats du dialogue dans un cadre clair et structuré, offrant une résolution durable et bien défini. Cette progression par paliers réduit les obstacles psychologiques des clients.
La vente par paliers représente une solution efficace pour surmonter les résistances et rendre la médiation plus accessible. Toutefois, cette approche doit s’appuyer sur des principes éthiques. Chaque étape doit apporter une véritable valeur, et la facturation doit rester transparente et équitable. Si la facilitation n’aboutit pas, les parties ne paient que pour les étapes réalisées, assurant ainsi une justice dans les coûts. Le plus grand avantage de cette méthode reste sa capacité à s’adapter à la réticence initiale des clients, ce qui facilite ainsi le démarrage d’un processus de médiation. Comme le dit le proverbe : « Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas. »
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