vendredi 5 juillet 2024

Syndrome de distorsion négative : changer de perspective pour transformer les conflits

 Par Jean Poitras, Ph.D.

Le syndrome de distorsion négative combine l’effet de halo et le biais de négativité. Il se caractérise par une tendance à laisser une première impression défavorable influencer de manière disproportionnée les jugements et perceptions ultérieurs, tout en accordant plus de poids aux expériences néfastes qu’aux positives. Ce syndrome peut créer un cercle vicieux où les aspects défavorables d’une personne ou d’une situation sont constamment mis en avant, amplifiant ainsi le conflit et rendant la résolution plus difficile.

L’impact du syndrome de distorsion négative sur les parties dans un conflit est significatif. Les parties peuvent rejeter des arguments valables simplement parce qu’ils proviennent d’une personne qu’elles perçoivent défavorablement. De plus, les intentions de l’autre sont systématiquement vues sous un jour désavantageux, ce qui complique la confiance et la coopération. Enfin, la communication est souvent biaisée et tendue, chaque partie interprétant les propos de l’autre de manière dommageable.

Sources et facteurs d’amplification
Le syndrome de distorsion négative peut avoir diverses origines. Mieux comprendre ces origines permet d’élaborer une stratégie de gestion du syndrome dans le cadre d’une médiation.
  • Antécédents néfastes : les interactions passées défavorables ou les conflits antérieurs peuvent laisser des impressions défavorables durables. Par exemple, si l’une des premières interactions entre les deux personnes a été décevante, il y a fort à parier que celle-ci va teinter la suite de la relation.
  • Stéréotypes et préjugés : les stéréotypes sociaux ou culturels peuvent prédisposer à des sentiments défavorables basés sur des caractéristiques telles que l’âge, le genre, l’ethnicité ou la profession. Lorsque des gens de profession différentes collaborent, il peut arriver qu’une personne croit que la formation de l’autre soit moins pertinente que la sienne.
  • Erreurs ou comportements visibles : les erreurs visibles ou les comportements perçus comme inappropriés peuvent durablement influencer les perceptions sur une personne. Ainsi les incidents à l’origine du conflit sont souvent de points saillants qu’il faut revisiter en médiation.
Plusieurs facteurs peuvent exacerber le syndrome, augmentant son impact dans un contexte de conflit. Comprendre ces facteurs permet de mieux gérer le syndrome lors d’une médiation.
  • Manque de connaissance personnelle : le manque de familiarité ou de connaissance personnelle entre les parties peut faire en sorte que les premières impressions prennent une importance disproportionnée.
  • Communication déficiente : les malentendus ou les messages mal formulés peuvent exacerber les mauvaises perceptions et renforcer le biais. En effet, la diplomatie fait souvent défaut dans les dialogues en situation conflictuelle.
  • Stress et émotions : les émotions telles que la colère, la frustration ou le stress peuvent renforcer les impressions négatives, rendant plus difficile de voir les aspects positifs.
  • Influence des tiers : les opinions ou commentaires défavorables de tiers, tels que des collègues, des amis ou des membres de la famille, peuvent renforcer et amplifier les mauvaises impressions.

Désamorcer le syndrome en contexte de médiation
La distinction entre amplification et source est importante. Il s’avère essentiel de réduire d’abord les facteurs d’amplification pour ensuite désamorcer les sources. Cette approche est la plus efficace pour atténuer le syndrome. Par conséquent, le protocole d’intervention suivant peut être très utile lorsque le biais est fortement présent.

Gérer le stress et les émotions négatives
La colère, la frustration ou le stress peuvent renforcer les impressions négatives. Pour contrer cela, il devient essentiel d’introduire des techniques de gestion du stress, comme le fait de dédramatiser la situation conflictuelle ou encore d’inclure des pauses stratégiques pendant les séances, afin de réduire ces émotions négatives.

Reconnaître le biais
Il s’avère important d’identifier et de reconnaître la présence du biais de distorsion négative. Informer les parties concernées de l’existence de ce biais et de ses effets potentiels permet d’augmenter leur conscience et leur compréhension de l’impact de ce biais sur leurs perceptions. On ne peut contrôler ce dont on n’est pas conscient.

Réinterpréter les comportements visibles
Les erreurs visibles ou les comportements inappropriés peuvent durablement marquer les impressions. Pour atténuer cet effet, il devient utile d’aider les parties à voir ces comportements sous un autre angle en expliquant les contextes ou les motivations possibles. Il s’agit en quelque sorte de corriger les procès d’intention. Cela favorise une meilleure compréhension contextuelle et réduit les jugements négatifs.


En conclusion, le syndrome de distorsion négative peut grandement influencer les conflits, rendant la résolution plus complexe en amplifiant les aspects négatifs perçus des parties impliquées. Reconnaître l’existence de ce biais et ses origines est crucial pour élaborer des stratégies efficaces de médiation. En gérant le stress, en réinterprétant les comportements visibles et en sensibilisant les parties concernées, il est possible de diminuer l’impact de ce syndrome et de favoriser une communication plus constructive et une meilleure coopération. On pourrait donc dire que pour apaiser les conflits, il faut d’abord changer la lentille à travers laquelle nous voyons les autres.


Références
  • Richard E. Nisbett et Timothy D. Wilson, « The halo effect: Evidence for unconscious alteration of judgments. », Journal of Personality and Social Psychology, vol. 35, no 4,‎ 1977, p. 250–256.
  • BAUMEISTER, Roy F., BRATSLAVSKY, Ellen, FINKENAUER, Catrin, et al. Bad is stronger than good. Review of general psychology, 2001, vol. 5, no 4, p. 323-370.

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