vendredi 2 mars 2018

Médiation: Caucus, séance plénière et neuropsychologie

Par Jean Poitras et Solange Pronovost

Le médiateur devrait-il privilégier les séances plénières ou les caucus privés ? Alors que le premier mode d'intervention constitue une rencontre où les personnes participant au processus sont conjointement présentes, le second s'avère plutôt un entretien privé entre le médiateur et l’une d’elles. Ces deux types de fonctionnement sont des outils précieux que l’intervenant se doit de maîtriser afin qu'ils soient efficaces. Mais est-ce que l'un prime sur l’autre ?

Avantage du caucus. Cette rencontre individuelle permet de mieux contrôler les conversations, d’explorer les intérêts que chaque participant peut avoir et de tester seul à seul, des options de solution, sans la présence de l’autre avec qui il y a conflit. Le caucus est spécialement adapté lorsqu'il s'agit: 
  • De sonder les gens sur les intérêts qu’ils ne veulent pas nécessairement partager en public 
  • D'explorer une solution sans créer une situation où une personne dévalue ce qui est dit simplement parce que cela vient de l’autre 
  • De confronter celle qui adopte des comportements ou une attitude contre-productive sans lui faire perdre la face vis-à-vis de l’autre 

Avantage de la séance plénière. La session conjointe offre aux participants l'opportunité d’avoir un dialogue direct et encadré entre eux. En ce sens, travailler en plénière est généralement plus efficace car le médiateur n’a pas à répéter deux fois les paroles qu'il a tenues. De plus, cette rencontre présente plus de transparence puisque chaque personne entend ce qui est dit, ce qui laisse moins de place à l'interprétation des propos que le médiateur a à l'endroit de l'une ou de l’autre (donc, il y a moins de suspicion). La séance plénière s’avère particulièrement appropriée pour : 
  • Expliquer le déroulement de la démarche et s’entendre sur les règles de fonctionnement (ne pas couper la parole, éviter de hausser le ton, d'insulter l'autre, etc.) 
  • Obtenir toute l'information pertinente à la clarification de la situation 
  • Favoriser une compréhension commune des enjeux de chacun 
  • Explorer des solutions par le jeu de proposition et de contre-proposition 

Dans la transmission d'un
message, le sens des mots 
  compterait que pour 7%, le   
ton et la voix pour 38 % et 
l'impression visuelle pour 
55 % dans l'interprétation 
de ce qui est dit.
Caucus ou plénière? En règle générale, les deux modes de fonctionnement sont appropriés et leur utilisation dépend du degré de confort du médiateur et des personnes participantes à travailler ensemble. Certaines situations demanderont de s’en tenir essentiellement aux caucus, comme par exemple lorsqu'elles sont incapables de s'entretenir calmement en raison du niveau de tension ou d'agressivité qui existe entre elles.

Néanmoins, la plénière présente un avantage important quand vient le temps de porter foi au fait que l’autre respectera sa parole ou encore de croire en la sincérité de ses excuses. En effet, les recherches en neuropsychologie suggèrent que rien ne vaut un contact direct entre les individus. Ainsi, la confiance dans une proposition dépendrait largement de la capacité d’y associer le langage facial de l’interlocuteur. Conséquemment, l’annonce d’une entente et l’expression d’excuses devraient se faire en séance plénière. 

Verdict. S’il peut être stratégique de développer des options de règlement ou de coacher un participant quant à la façon de formuler des excuses en utilisant des caucus, il serait essentiel d’annoncer le résultat final en séance plénière. 

Sur cet aspect, les études suggèrent l’importance de l’expression non verbale des personnes impliquées dans une médiation. Cependant, rien n’empêcherait un médiateur de résumer l’entente ou les excuses s’il croit que la maladresse de l’une ou l’autre risquerait de tout faire dérailler. Ce qui doit être retenu, c’est qu'il faut qu’elles voient l’expression de leur vis-à-vis pendant que l’intervenant fait son compte rendu ! Sans doute s'agit-il là d'un bon compromis entre les avantages de contrôler le message que permet le caucus et la possibilité de démontrer la sincérité qu’offre la séance plénière. 


Référence
  • BIRKE, Richard. Neuroscience and settlement: An examination of scientific innovations and practical applications. Ohio St. J. on Disp. Resol., 2010, vol. 25, p. 477. 
  • POITRAS, Jean. The strategic use of caucus to facilitate parties' trust in mediators. International Journal of Conflict Management, 2013, vol. 24, no 1, p. 23-39. 
  • POITRAS, Jean. Stratégies pour désamorcer les dynamiques de médiation négatives. Revue de Prévention et de Règlement des Différends, 2003, vol. 1, no 2.

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