lundi 6 avril 2015

Prendre une décision en équipe: trois pièges à éviter

Par  Jean Poitras et Louis-Charles Monast

Tout le monde a un jour dû prendre une décision en équipe, que ce soit lors de leur cheminement académique, d’une activité communautaire ou bien de leur emploi. Vous ne serez sans doute pas surpris que la plupart des gens trouvent cette tâche difficile, la redoute, voire même la déteste! En soi, prendre une décision en groupe peut être complexe, mais ajoutez à cela un enjeu crucial ou de graves conséquences associés à une mauvaise décision et vous tenez là un véritable cocktail explosif. Alors, pourquoi la prise de décision en équipe est problématique et que faire pour éviter les pièges associés à ce processus?

Dans la littérature portant sur les réunions de groupe, on dénote trois phénomènes qui peuvent nuire à une prise de décision efficace:
  • L'illusion d'un but commun
  • L'impact de la pensée de groupe
  • L'effet de la hiérarchie

Premièrement, malgré leur volonté d'arriver à la meilleure décision possible, les membres d’une équipe peuvent ne pas avoir la même définition du problème. Or, si les membres d'un groupe ne savent pas, ou ne sont pas d’accord sur ce qu’ils doivent faire, les probabilités de prendre une bonne décision sont plutôt minces, alors que le potentiel de conflit est lui très fort. Pourtant, il n'est pas rare qu'un groupe saute rapidement à l'étape de chercher une solution, sans avoir d'abord pris le temps de clarifier l'objectif de leur activité. Les membres ont alors l'illusion de partager un but commun et, lorsque le groupe piétine, on en vient à penser que l'autre ne comprend rien ou encore qu'il est de mauvaise foi.

Une deuxième source de problème est ce que certains auteurs nomment «la pensée de groupe». Il s'agit de la tendance des membres qui sont en désaccord avec les décisions de croire qu’ils sont les seuls à penser différemment. Alors, pour ne pas être perçus comme des fauteurs de trouble, ils décident de se rallier plutôt que de faire valoir leurs points de vue divergents. Ce faisant, le groupe perd un avantage majeur puisque le travail n’est plus bonifié par les idées de tous les membres. Qui plus est, les membres silencieux qui sont en désaccord avec la décision pourront ne pas s'investir dans sa mise en oeuvre, voire même la boycotter.

Finalement, la perception de différences dans les statuts des membres peut aussi causer une sous-optimisation du travail. En présence de rapports hiérarchiques au sein du groupe, qu’ils soient fondés sur l’expertise ou le rang dans l'entreprise, certains membres peuvent être plus influencés par l’opinion de leurs supérieurs ou encore être plus sensible à leur jugement. Ainsi, lorsqu'un membre en position de supériorité s’approprie continuellement le premier droit de parole, il peut alors fortement influencer les décisions du groupe, voire court-circuiter le processus de recherche de solutions. Ce phénomène peut être amplifié lorsque ce leader dirige lui-même la rencontre.

Une stratégie simple pour éviter ces pièges consiste à désigner un facilitateur. Celui-ci peut alors clarifier, dès la première rencontre du groupe, les objectifs à atteindre, les tâches à réaliser et les procédures à utiliser. Il peut également gérer le temps de parole de chacun et susciter la participation de ceux qui retiennent leurs commentaires. Cet animateur peut également s’assurer du bon fonctionnement des tours de parole et agir de façon à prévenir les abus de pouvoir, notamment en accordant le droit de parole aux leaders en dernier. De plus, afin d'optimiser l'efficacité du travail, le facilitateur peut former des petits groupes de réflexions, ce qui permet de favoriser l'échange d'opinions. Enfin, pour éviter les risques que les membres du groupe attribuent au facilitateur l’irritation qui résulte de son rôle, celui-ci peut provenir de l'externe, dans la mesure où sa légitimité est reconnue par l'ensemble du groupe.

Références
  • Gouran, Denis (2010). «Overcoming sources of irrationality that complicate working in decision-making groups», The handbook for working with difficult groups. Jossey-Bass, p. 137-152
  • Wahrman, R. (1972). «Status, deviance, and sanctions: A critical review», Comparative group studies, 3, p. 203-244

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