lundi 30 mars 2015

Exercer son droit de gérance: comment minimiser les risques d'une plainte

Par Frédéric Moisan, Ph.D., CRHA
 
De par la nature de sa fonction, chaque gestionnaire est particulièrement à risque de faire l’objet d’une plainte de harcèlement par un employé. En effet, celui-ci peut diriger et contrôler le travail que le salarié a l’obligation d’effectuer en vertu de son contrat de travail et ce, dans le but d’assurer la poursuite des intérêts légitimes de l’entreprise. Mais même lorsque le gestionnaire exerce adéquatement son droit de gérance, ses actions peuvent être interprétées comme une forme de harcèlement par certains employés. Quelles situations de gestion sont particulièrement propices au dépôt d’une plainte pour harcèlement? Que peut-on y faire?
 
Selon la littérature scientifique, quatre situations de gestion sont particulièrement à risque d'être perçue à tord ou à raison comme une forme de harcèlement :
 
La répartition des tâches. La répartition des tâches entre les employés peut être une source de frustration et de mécontentement. Par exemple, le fait qu’un gestionnaire délègue régulièrement des mandats difficiles ou valorisants à un même employé peut favoriser une perception d’injustice ou de discrimination auprès de certains et ce, même si ce choix est justifié en fonction des impératifs de l’entreprise.
 
Le changement organisationnel. Toute situation de changement, comme l’introduction d’une nouvelle pratique ou d’une nouvelle norme, ou encore la modification de la structure organisationnelle, créé un débalancement dans l’entreprise. Certains employés peuvent alors ressentir de l’insécurité au point de résister ardemment au changement afin de sauvegarder leurs acquis. Il peuvent ainsi en venir à percevoir les demandes associées au changement comme une source d'harcèlement.
 
L’évaluation de rendement. Lors d’une rencontre d’évaluation, un employé peut sentir qu’il est injustement critiqué et interpréter la situation comme un manque de soutien, notamment lorsque la rétroaction se limite aux reproches et ce, même s’ils sont justifiés. De plus, certains gestionnaires oublient de souligner également les bons coups et de privilégier la critique constructive.
 
La gestion de la discipline. Enfin, lorsque les comportements d’un employé sont nettement inappropriés et que la situation nécessite un redressement, la mesure disciplinaire peut être interprétée par celui-ci comme une volonté du gestionnaire de le punir ou de l’intimider. C’est notamment le cas lorsqu’on surprend l’employé problématique avec une mesure disciplinaire sans lui avoir fourni un préavis.
 
Est-ce à dire que les gestionnaires devraient éviter ces quatre situations afin de ne pas être accusés de harcèlement psychologique? C'est malheureusement le choix que font bien des gestionnaires afin de ne pas « avoir de trouble ». Pourtant, renoncer à son droit de gestion n'est pas une bonne option à long terme. Alors que faire?
 
Le sentiment d’être harcelé provient souvent d’une perception d’être traité injustement par le gestionnaire par rapport ses collègues. Pour éviter un tel sentiment, le gestionnaire doit appliquer certains principes dont les suivants :
 
  • Établir un dialogue ouvert et continu avec chacun ses employés. Il s’agit d’abord de communiquer clairement les besoins et les attentes de l’organisation afin de ne créer aucune surprise lorsque vient le temps de faire un bilan. On doit être en mesure de démontrer que les employés étaient pleinement conscient des attentes à leur égard.
  • Le gestionnaire doit également démontrer qu’il est ouvert à écouter la perspective du salarié. Celui-ci a sans doute des préoccupations, des inquiétudes, voire même des insatisfactions particulières concernant son travail qui peuvent expliquer sa mauvaise performance. Dans ce cas, le gestionnaire et tenu d'offrir du soutien et de l’aide. Bref, avant de sanctionner, on doit être en mesure d'avoir privilégier un soutien adéquat.
  • Le gestionnaire doit aussi faire confiance à ses employés, c’est-à-dire leur laisser une marge de manœuvre suffisante afin qu’ils puissent se conformer à la nouvelle exigence ou encore modifier leurs comportements. Autrement dit, il doit leur laisser une chance de s'améliorer ou de se conformer aux attentes.
  • Évidemment, afin de ne pas susciter une impression de favoritisme, la clé est d’appliquer ces règles de façon uniforme auprès de tous les employés.

Malgré les meilleurs pratiques, rien n'empêche que l'exercice du droit de gérance peut être perçu à tord comme une forme de harcèlement. À cet égard, on conseille aux gestionnaires de prendre l'habitude de consigner leurs actions dans leurs notes. On ne sait jamais, cela peut s'avérer utile lorsque vient le temps de démontrer qu'on a exercé son droit de gérance dans les règles de l'art.
 
Références
  • ESPELAGE, Dorothy L., BERRY, Brandi, MERRIN, Joey, et al. Social-Ecological Model for Predicting Workplace Bullying. Bullying in the Workplace: Symptoms, Causes and Remedies: Causes, Symptoms, and Remedies, 2013, p. 99.
  • SKOGSTAD, Anders, EINARSEN, Ståle, TORSHEIM, Torbjørn, et al. The destructiveness of laissez-faire leadership behavior. Journal of occupational health psychology, 2007, vol. 12, no 1, p. 80.
  • SKOGSTAD, Anders, MATTHIESEN, Stig Berge, et EINARSEN, Ståle. Organizational changes: a precursor of bullying at work?. International Journal of Organization Theory and Behavior, 2007, vol. 10, no 1, p. 58.

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