dimanche 18 janvier 2015

Votre politique contre le harcèlement est-elle adaptée à la cyberintimidation?

Par Frédéric Moisan, Ph.D., CRHA

Lorsqu’on analyse des politiques organisationnelles contre le harcèlement, on réalise que certaines d’entre-elles ne sont pas adaptées à la réalité technologique actuelle. En effet, leur champ d’application est limité aux heures ou aux lieux de travail, alors qu’une nouvelle forme de harcèlement est apparue dans les entreprises récemment : la cyberintimidation. Il s’agit de l’utilisation des technologies d’information telles que le courrier électronique, la messagerie instantanée ou un site Internet afin d’intimider, insulter, menacer ou dénigrer une personne ou encore répandre des rumeurs à son endroit (Schimmel et Nicholls, 2013).





Les organisations invoquent parfois l’argument que les employés n’ont pas accès à un ordinateur durant leur quart de travail, ou encore que leur accès à Internet est limité aux activités professionnelles pour ne pas inclure cette problématique dans leur politique. Or, la nature virtuelle d’Internet fait en sorte qu’un incident peut survenir à partir de n’importe quel endroit où l’agresseur a accès à un outil de communication électronique et ce, à tout moment du jour ou de la nuit. Bien que la cyberintimidation a été jusqu’à présent davantage associée au milieu scolaire, certains chercheurs estiment que cette forme de harcèlement affecterait entre 7 % et 10 % des travailleurs (Perreault 2011; Privitera et Campbell, 2009) et cette problématique risque de s’amplifier dans les années à venir. En effet, les technologies de l’information sont de plus en plus facilement accessibles – les téléphones intelligents sont de véritables ordinateurs portables – et on assiste à une multiplication des réseaux sociaux (p.ex. : Facebook, Twitter, Instagram).

Ainsi, il est très important de se préoccuper de la cyberintimidation parce que cette forme de harcèlement est plus sournoise et dommageable que le harcèlement psychologique traditionnel. Par exemple, la victime ne possède aucun refuge pour se cacher de son agresseur, puisqu’elle peut accéder aux messages indésirables à partir de sa résidence. De plus, un message indésirable posté en ligne par un collègue constitue une agression qui se perpétue indéfiniment. Après tout, les paroles s’envolent et les écrits restent.

Une stratégie efficace pour contrer la cyberintimidation demeure la prévention. Les mesures suivantes peuvent s'avérer un pas dans la bonne direction lorsque vient le temps de réviser une politique contre le harcèlement :
  • Ajouter cette problématique dans les comportements bannis par la politique de l’entreprise, en incluant des exemples de comportements concrets
  • Ajuster le champ d’application de la politique afin de ne pas restreindre le harcèlement aux incidents qui se déroulent sur les lieux de travail
  • Informer et sensibiliser ses employés sur cette problématique afin de développer une culture d’éthique virtuelle
  • Développer une procédure d’intervention et de soutien aux victimes
  • Désigner une personne responsable de communiquer avec les administrateurs d’un réseau social afin de demander le retrait d’une publication indésirable
En intégrant ces recommandations, l’entreprise démontre à ses employés qu’elle se préoccupe de leur santé, y compris dans le monde virtuel. Malheureusement, très peu d'entre-elles prennent en compte la cyberintimidation dans leur politique contre le harcèlement. Est-ce que votre entreprise est prête à relever ce défi?

Références
  • PERREAULT, Samuel. Self-reported Internet victimization in Canada, 2009.Juristat, 2011, vol. 3, 85-002.
  • PRIVITERA, Carmel et CAMPBELL, Marilyn Anne. Cyberbullying: The new face of workplace bullying?. CyberPsychology & Behavior, 2009, vol. 12, no 4, p. 395-400.
  • SCHIMMEL, Kurt et NICHOLLS, Jeananne. Workplace Cyber Bullying: A Research Agenda. Bullying in the Workplace: Causes, Symptoms, and Remedies, 2013, p. 223.


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