Un conflit chronique est une situation conflictuelle qui se prolonge dans le temps. Bien que ramener un conflit chronique dans un processus de résolution soit difficile, cela n'est pas tout à fait impossible. Néanmoins, certaines conditions doivent être présentes pour que les parties délaissent le mode d'évitement ou d'escalade. En effet, un changement de perspective de la part de celles-ci est nécessaire. On parle alors du degré de mûrissement d'un conflit, et celui-ci est évalué à partir de trois facteurs complémentaires.
Sentiment d'impasse
En théorie, un sentiment d'impasse est nécessaire pour que les parties abandonnent une attitude fondée sur l'évitement ou la compétition. Ainsi, les parties peuvent convenir de négocier parce qu'elles réalisent qu'elles ne résoudront pas le conflit par la force.
De même, elles peuvent se rendre compte que les coûts associés au conflit sont trop élevés. L'exemple typique est celui des poursuites juridiques où les parties, constatant que les sommes à investir pour faire prévaloir leur point de vue sont considérables, choisissent de négocier un compromis. De plus, lorsque les parties réalisent que les coûts liés au conflit sont plus élevés que les bénéfices d'une victoire, celles-ci peuvent décider qu'il est temps de mettre fin au conflit. Parfois, c'est le risque associé au conflit qui va inciter les parties à chercher une solution amiable. Par exemple, les conséquences d'une guerre nucléaire ont motivé les États-Unis et l'Union Soviétique à négocier un traité de désarmement.
La notion d'impasse peut être élargie à celle de motivation à régler. En effet, bien qu'un conflit n'ait pas atteint un niveau d'impasse, les parties peuvent régler celui-ci suite aux pressions de tiers ou encore à la perte de support des pairs. La pression des tiers peut prendre la forme d'une incitation à régler ou de sanctions. Par exemple, deux gestionnaires peuvent décider de régler leur conflit suite à la menace de leur directeur de les congédier s'ils ne trouvent pas de solution. Dans un autre cas, une organisation syndicale décidera de régler un conflit de travail après avoir constaté l'épuisement de ses membres par rapport à une grève qui s'éternise.
Espoir d'une solution possible
Le sentiment d'impasse n'est pas suffisant pour encourager les parties à résoudre un conflit. Celles-ci doivent aussi avoir l'espoir qu'une solution satisfaisante est possible. Ainsi, les parties entament des pourparlers quand elles peuvent raisonnablement croire qu'un compromis est possible. Trois éléments peuvent favoriser la perception qu'il existe une possibilité d'accord.
Tout d'abord, la perception d'une ouverture de la part de l'autre peut suggérer une chance de succès et motiver une résolution d'un conflit. En novembre 1977, le président égyptien Anouar El- Sadate annonça qu'il était prêt à se rendre à Jérusalem pour entreprendre des négociations avec les Israéliens. Ceux-ci saisissent alors l'occasion et un accord de paix historique est signé entre les deux pays. Deuxièmement, une nouvelle analyse des enjeux peut permettre aux parties de réaliser que les différences de positions sont moins importantes que prévues. Par exemple, il est fréquent en médiation que les parties réalisent, après discussion, qu'elles ont des points communs. Ce constat pave alors la voie à une entente. Troisièmement, la présence d'un tiers puissant et crédible peut conforter les parties à propos du sérieux des discussions et du respect d'une éventuelle solution. Par exemple, des opposants à un projet acceptent d'explorer un compromis avec le promoteur après qu'un ministre ait assuré ceux-ci que le respect des modalités d'une entente sera supervisé par le gouvernement.
Degré de symétrie
Amorcer la résolution d'un conflit chronique est plus simple lorsque les deux parties ont constaté une impasse et que les deux croient qu'une solution négociée est possible. En d'autres termes, plus il y a une symétrie entre le degré de mûrissement des parties, plus la situation est propice à une résolution. Néanmoins, un effort de résolution est quand même possible lorsqu'une seule partie est prédisposée à résoudre un conflit. Dans ces situations, cette partie doit alors commettre des gestes unilatéraux d'ouverture pour provoquer l'amorce du processus de résolution de conflit.
Parmi les gestes unilatéraux de désescalade possibles, nous retrouvons principalement les concessions. Par exemple, un pays libère des prisonniers de guerre ou politiques pour démontrer le sérieux de son ouverture au dialogue. Un autre type de geste de désescalade est la formulation d'excuses. Par exemple, une partie s'excuse de s'être emportée. L'autre partie, constatant la bonne foi de la première, réalise qu'une entente est possible et accepte d'amorcer des discussions.
Le principal risque d'un geste d'ouverture unilatéral est une mauvaise interprétation de ceux-ci par l'autre partie. En effet, celle-ci peut conclure à tort que l'ouverture manifestée par l'autre est un signe de faiblesse. Elle sera alors encouragée à maintenir l'escalade du conflit. Parfois, le risque perçu est suffisamment grand pour inhiber les gestes d'ouverture. Lorsque les deux parties hésitent à communiquer leur ouverture par crainte d'affaiblir leurs positions, celles-ci maintiennent artificiellement de l'escalade. Dans ces cas, la présence d'un intermédiaire de confiance peut être nécessaire pour débloquer l'impasse.
Sources
- Folger, J.P, Poole, M.S. et R.K. Stutman. 2013. Working Through Conflict: Strategies for Relationships, Groups, and Organizations. Boston, MA: Pearson.
- Pruitt, D.G. 2008. «Conflict Escalation in Organizations». Dans The Psychology of Conflict and Conflict Management in Organizations, C. DeDreu et M. Gelfand (Eds.), New York: Lawrence Erlbaum Associates, chapitre 8.
- Pruitt, D.G. et S.H. Kim. 2004. Social Conflict: Escalation, Stalemate, and Settlement (Third edition). Boston, MA: McGraw-Hill.
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