lundi 4 avril 2011

Médiation : Doit-on encourager l’expression des émotions?

Une pratique courante en médiation consiste à laisser les parties se défouler en caucus. Cette stratégie vise à libérer le trop plein d’émotions et à permettre aux parties de revenir plus calmes et rationnelles en plénière. Pourtant, plusieurs recherches ont démontré que cette pratique peut augmenter la charge émotive des parties plutôt que de la diminuer. Les chercheurs utilisent d’ailleurs l’expression « mythe de la catharsis » pour décrire la croyance populaire qu’il est toujours sain de se défouler de ses frustrations.

Selon les résultats des recherches, l’impression que le défoulement des émotions est une bonne stratégie vient du fait qu’à court terme, les parties se sentent mieux après avoir exprimer leur insatisfaction. Par contre, à moyen terme, les recherches démontrent que cette accalmie est suivie par un retour en force de la frustration et d’une augmentation de l’agressivité. Un des effets secondaires de l’expression de la frustration est la diminution du niveau de modération des parties. Ainsi, lorsque la frustration revient, celle-ci se manifeste avec moins de retenue par les parties et il y a un risque d’escalade. Est-ce à dire qu’il vaille mieux que le médiateur n’encourage pas l’expression des émotions?

Pas nécessairement. Les recherches démontrent que le défoulement des frustrations peut être efficace si la catharsis est suivie d’une exploration des causes et d’une recherche de solution. Même si la recherche d’une solution n’est pas fructueuse, il est donc important de canaliser l’énergie des parties vers la recherche de solutions. Ainsi, deux règles peuvent être proposées aux médiateurs : 
  1. Si vous faites une séance de défoulement en caucus, mieux vaut explorer par la suite les causes et les solutions possibles;
  2. Si vous n’avez pas l’intention d’explorer les causes de la frustration et de rechercher une solution, mieux vaut éviter une séance de défoulement avec les parties en caucus. 
Malgré leur apparente simplicité, ces deux règles apportent une nuance importante. Il est parfois stratégique de ne pas favoriser le défoulement des frustrations. En effet, dans certaines situations, le médiateur peut estimer qu’il ne serait pas opportun d’explorer les causes ni de rechercher des solutions à certaines des frustrations des parties (ex. : caprice qui ne peut être satisfait). Dans ces cas spécifiques, le médiateur a avantage à ne pas laisser les parties se défouler en caucus.

Source: Lilienfield, S.O., Lynn, S.J., Ruscio, J. et B.L. Beyerstein. 2010. 50 Great Myths of Popular Psychology. Wiley-Blackwell, p. 147-151.

 

1 commentaire:

Sylvie De Blois a dit…

Je suis en parfait accord avec votre article. De mon côté, en tant qu'avocate-médiatrice, j'invite mes clients à regarder comment ils ont co-crée les situations qu'ils ont vécues afin que chacun prenne sa part de responsabilité ... plutôt que de se défouler et imputer la "faute" à l'autre. J'ai constaté que le défoulement amène aussi parfois une déresponsabilisation. Je leur explique également que peu importe les situations qu'ils ont pu vivre, ils en ont retiré autant de bénéfices que d'inconvénients. Cela amène une réflexion chez mes clients. Il ne s'agit pas d'une solution miracle puisque certains ont ce besoin de détester l'autre pour accepter leur propre souffrance. Mais pour d'autres, c'est très bénéfique.
Me Sylvie De Blois