mardi 22 mai 2007

L’Importance de dire nos attentes en négociation

A la fin des années 90, des chercheurs ont mené des études qui les ont conduits à la conclusion suivante : les individus surestiment, dans une proportion de deux pour un la mesure avec laquelle des observateurs externes peuvent déceler leurs pensées, leurs états d’âme ou encore leurs mensonges.

Pour en arriver à ces conclusions, une des expériences consistait à demander à des sujets de boire un breuvage au goût particulièrement amer tout en essayant de garder une expression neutre. Un deuxième groupe d’observateurs devaient évaluer si les sujets appréciaient ou non leur breuvage. Les observateurs n’étaient pas informés de la nature du breuvage, ni de la consigne donnée aux sujets. Non seulement les résultats ont démontré que les sujets surestimaient la facilité avec laquelle les observateurs pourraient constater leur dégoût, mais il n’y a eu aucune corrélation entre l’intensité du sentiment de dégoût des sujets et la perception de ce sentiment par les observateurs. Ce n’est donc pas parce qu’un sujet a l’impression d’être très dégoûté qu’il est plus transparent pour les observateurs!

On peut facilement concevoir que ce phénomène engendre des défis importants aux plans de la clarté et des difficultés lors du déroulement et de la conclusion d’une négociation. En effet, il n’est pas rare que nous ne communiquions que partiellement nos préférences et besoins, croyant que l’autre pourra deviner le reste. Or, sans ces informations, il est difficile pour notre interlocuteur de deviner précisément nos besoins, et par conséquent de proposer des solutions qui répondent véritablement à nos attentes.

Le problème est que l’insatisfaction par rapports aux propositions ne sera pas attribuée au manque d’information mais à la mauvaise volonté de l’autre. Dans les relations de couple, ce genre de malentendu débouche sur la phrase typique : « Comment veux-tu que je le fasse si tu ne me dis pas ce que tu veux? ». En négociation, la situation laisse à penser que l’autre est peu coopératif, voire chiche.

Ainsi, bien qu’il soit tout à fait légitime de ne pas divulguer certaines informations critiques pour mieux se protéger, il est important de réaliser que pour en arriver à satisfaire nos intérêts, encore faut-t-il que l’autre partie sache ce qui nous importe. Afin de contrer ce réflexe, il convient pour les parties prenantes de s’assurer de partager plus volontairement leurs attentes, afin de créer un espace de négociation commun au sein duquel ils pourront accueillir leurs priorités, leurs besoins et leurs objectifs respectifs.

Néanmoins, il est toutefois préférable pour les parties d’échanger progressivement leurs informations afin de mesurer graduellement le niveau de coopération de la partie adverse. On conseille ainsi aux individus impliqués dans un processus de négociation de révéler leurs besoins point par point, au lieu de fournir à leur interlocuteur une liste complète d’un seul trait. Cette façon de faire permet de détecter la volonté de l’autre partie d’amener la négociation vers l’atteinte de solutions mutuellement bénéfiques. Il est toutefois important de diffuser un peu plus d’information qu’on ne le juge nécessaire afin de contrebalancer l’impression que l’autre « devinera ».

© Publié par Jean Poitras, Ph.D. le 7 mai 2007.

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