lundi 11 juin 2007

Mieux explorer les intérêts lors d’une négociation

Lors d’une négociation, l’exploration des intérêts doit nous permettre de comprendre où s’enracine le conflit. Son importance est primordiale. En effet, aucun terrain d’entente ne pourra être trouvé pour mettre fin au conflit si les intérêts des parties ne sont pas respectés. Si se principe est clair, il n’en demeure pas moins que son application est difficile. En effet, des pièges pouvant survenir au cours de négociations font obstacle à l’exploration des intérêts. Nous en relèverons deux : l’engagement prématuré et la cristallisation.

L’engagement prématuré se caractérise par la conviction que si l’on adopte une position et refuse d’en déroger, l’autre partie finira par céder. De ce fait, l’engagement prématuré empêche toute exploration des intérêts et, en conséquence, nuit à l’atteinte d’une solution optimisée en fonction du conflit. Dans une situation d’engagement prématuré, les parties décident prématurément d’une option et manquent ainsi d’évaluer les autres solutions de rechange au problème.

Pour surmonter les obstacles et trouver des options créatives, il est important d’isoler le stade d’invention de celui d’évaluation et de décision. En effet, en combinant les deux stades, on inhibe la créativité nécessaire à l’élargissement des options. Il est ainsi conseillé aux parties de se rassembler, dans une atmosphère informelle, et d’amorcer un remue-méninges sur toutes les solutions possibles au problème. Ce n’est qu’après avoir recueilli une large panoplie de propositions que chacune d’elles pourra être évaluée. Au contraire, l’engagement prématuré, fondé sur des positions, amorce une lutte de pouvoir entre les parties et peut empêcher la recherche de solutions créatives.

Plusieurs stratégies d’intervention peuvent être employées pour désamorcer l’engagement prématuré. La stratégie à adopter pour se sortir d’un engagement prématuré consiste à convertir son engagement en un appel d’offres à la persuasion. Il s’agit ici de faire savoir aux autres que l’on est ouvert à modifier sa position en faveur d’une offre différente si celle-ci satisfait ses intérêts. Lorsque que c’est l’autre partie qui a pris un engagement prématuré, une autre stratégie efficace peut consister à ajouter des éléments de négociation. En élargissant ainsi l’étendue des discussions, la prise de position initiale devient non pertinente et ainsi plus facile à abandonner.

La cristallisation est un piège caractérisé par la tendance qu’ont les personnes en conflit de pouvoir, pendant une négociation, à cristalliser leur stratégie de négociation. De ce fait, elles se trouvent bloquées dans le paradigme de « pousser plus fort » au lieu de « pousser autrement ». À cet égard, la cristallisation de la stratégie de négociation est comparable à une prise de position. À l’instar de l’engagement prématuré, la cristallisation nuit à l’atteinte d’une solution optimisée en fonction du conflit.

Pour sortir du cercle vicieux qui nous emprisonne dans notre stratégie et qui nous force à toujours « pousser plus fort », nous préconisons deux questions. La première est de demander « pourquoi » à l’autre partie. La deuxième est de se demander « mais pourquoi pas ». Demander « pourquoi » permet de mieux comprendre les besoins, les espoirs, les craintes ainsi que les désirs sous-jacents à la position de l’autre partie. Se demander « mais pourquoi pas » commande une réflexion sur le choix qui se présente à l’autre partie. Cette démarche nous oblige également à s’interroger sur l’intérêt qui pousse l’autre partie à agir de la sorte.

Cependant, l’entêtement d’une partie peut nécessiter un changement de perspective avant de pouvoir réellement négocier. À cet égard, il peut être stratégique de se centrer sur les buts plutôt que sur les moyens. En effet, il arrive souvent que les parties, dans le feu de l’action, sont convaincues que leur seul but est de parvenir à imposer leur moyen de pression et elles perdent de vue que l’objectif ultime de la négociation est la satisfaction de leurs intérêts. A cet effet, on conseille d’être ferme à propos de ses objectifs, mais souple quant aux moyens de les atteindre.

Puisque le niveau de satisfaction vis-à-vis une entente négociée depend étroitement de l'exploration des intérêts, apprendre à désamorcer ces pièges de la négociation est une clef essentielle du développement d’un négociateur.

© Publié par Jean Poitras, Ph.D. le 7 mai 2007.

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