En février 2006, un colloque portant sur la prévention et la résolution des conflits a été organisé conjointement par HEC Montréal et l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles du Québec. Réunissant près de 200 universitaires et praticiens de la gestion des ressources humaines, cet événement a connu un vif succès. Les nombreux ateliers ont permis de faire ressortir non seulement l’éventail des situations porteuses de conflits en milieu de travail, mais aussi l’intérêt que portent les gestionnaires à une gestion plus efficace des conflits. Qui plus est, l’évènement a mis en lumière un paradoxe intéressant.
En effet, à l’occasion du colloque, la maison CROP a réalisé un sondage pour le compte de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec auprès d’un échantillon représentatif de 1000 répondants. Près de 36 % de ceux-ci ont dit avoir été souvent ou à l’occasion témoins, au cours des 12 derniers mois, de conflits impliquant des collègues de travail. Qui plus est, parmi ces personnes, plus de 52 % ont rapporté que leur gestionnaire avait tendance à ne rien faire lors d’un conflit. Il semblerait que le mode de gestion des conflits le plus populaire soit l’évitement. Alors comment expliquer la divergence entre l’intérêt manifesté par une meilleure compréhension des conflits et la tendance générale qui consiste à éviter de les gérer?
Plusieurs hypothèses sont possibles, mais la raison que les gestionnaires nous rapportent le plus souvent est tout simplement le manque d’outils qu’ils possèdent pour dénouer les conflits au travail. Mal équipés pour aborder des situations conflictuelles, ils ont l’impression qu’il n’y a rien à faire ou encore qu’aborder le conflit ne fera qu’empirer les choses. Ils adoptent aussi parfois une gestion simpliste qui ne tient pas compte de la complexité de la situation. Pourtant, l’évitement est la pire stratégie possible, et ce pour deux raisons.
Dans un premier temps, il est important de réaliser que les conflits sont une composante normale de la vie organisationnelle. Il serait utopique, voire malsain, de vouloir éliminer toute forme de conflit au sein de son milieu de travail. Néanmoins, certains conflits peuvent s’envenimer au point de rendre l’organisation dysfonctionnelle. Ainsi, il faut garder à l’esprit une règle fort simple : tout conflit, aussi destructeur qu’il soit, a débuté par une dispute qui n’a pas été gérée de façon efficace.
Puis, dans un deuxième temps, il est important de comprendre que l’évitement est une des principales causes de l’escalade des conflits. On laisse tout simplement, soit par inadvertance, soit par passivité, les situations problématiques se détériorer. Or l’évitement permet à un conflit de prendre discrètement de l’ampleur, voire de se cristalliser. Tout comme un incendie qui a couvé, lorsque les premiers symptômes graves apparaissent, la situation est hors de contrôle. Conséquemment, les dommages et les cicatrices laissés par le conflit sont importants. Parfois le désaccord n’est jamais réglé.
Dans cette perspective, la prévention et la gestion des conflits est une compétence clef. Ainsi, les gestionnaires d’aujourd’hui doivent accroître leur habilité à régler les conflits s’ils ne veulent pas se retrouver en situation d’échec. Une récente étude a d’ailleurs démontré que l’aptitude des gestionnaires à dénouer les impasses est un facteur crucial de l’évaluation de leur potentiel de promotion. Conséquemment, non seulement l'évitement n'est pas une stratégie de gestion, mais ce n'est pas également une bonne stratégie de carrière.
© Publié par Jean Poitras, Ph.D. le 12 mars 2007.
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