lundi 26 mars 2007

Qu’est-ce qu’un accommodement raisonnable?

L’accommodement raisonnable est d’abord et avant tout un concept juridique qui découle des lois sur les droits de la personne, plus particulièrement de l’application des dispositions qui reconnaissent le droit à l’égalité. Ainsi, pour assurer une égalité réelle, on y interdit de faire preuve de discrimination en imposant un traitement différent à une personne en raison de ses caractéristiques telles la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle ou le handicap.

Par exemple, on pourrait dire qu’une personne handicapée physiquement serait traitée différemment des autres travailleurs si son employeur refusait sans raison valable, d’adapter son poste de travail afin de lui permettre d’accomplir ses tâches. Cette personne serait alors victime de discrimination fondée sur le handicap puisque son droit à l’égalité en emploi serait compromis. C’est donc dans ce genre de circonstances et uniquement s’il y a risque de discrimination fondée sur un motif prohibé par les lois sur les droits de la personne, que l’obligation d’accorder un accommodement raisonnable peut entrer en scène.

Par contre, le propre d’un tel accommodement est justement d’être « raisonnable ». Cela signifie qu’il ne doit pas entraîner de « contraintes excessives » pour l’employeur chargé d’assumer cette obligation. Parmi les éléments susceptibles d’être considérés pour déterminer la nature excessive d’une mesure d’accommodement, les tribunaux ont identifié la taille de l’entreprise, une entrave indue à son exploitation, des coûts démesurés, l’atteinte à la convention collective et aux droits d’autres employé(e)s, l’interchangeabilité relative des effectifs et des installations, et les risques pour la sécurité d’autrui.

Le caractère « raisonnable » de l’accommodement entraîne aussi pour la personne qui le sollicite, l’obligation de faire des concessions et de consacrer les efforts nécessaires pour s’entendre avec l’employeur. Ainsi, une femme enceinte demandant qu’on retire de ses fonctions les tâches qui sont trop exigeantes physiquement, pourrait bien devoir accepter d’en accomplir d’autres qui ne relèvent pas de sa classe d’emploi. De même, lorsqu’il s’agit d’un milieu syndiqué, le syndicat a lui aussi l’obligation de collaborer avec l’employeur. Il ne peut se retrancher derrière la convention collective pour en exiger le respect intégral. Tout en évitant qu’une atteinte importante soit portée aux droits des autres membres de son organisation ou qu’un préjudice leur soit causé, il doit s’enquérir de la possibilité que des personnes contribuent à la mise en œuvre d’un accommodement raisonnable, puisque celles-ci ont également l’obligation de respecter les lois sur les droits de la personne. Dans le cas de la travailleuse enceinte, il va de soi que pour la décharger de certaines tâches, certains collègues devront accepter de les accomplir.

Par ailleurs, un employeur pourrait s’extraire de l’obligation de fournir un accommodement raisonnable s’il est en mesure de démontrer qu’un aménagement est impossible à cause d’une « exigence professionnelle justifiée », c’est-à-dire une exigence relative aux aptitudes ou qualités requises pour un emploi, ou à une norme rationnelle et nécessaire liée à l’exécution du travail. Par exemple, ce pourrait être le cas pour une personne demandant une modification de son horaire parce que sa nouvelle religion lui interdit de travailler du coucher du soleil le vendredi jusqu’à la tombée du jour suivant, alors qu’elle détient un emploi dans un marché aux puces ouvert uniquement du vendredi soir au samedi en fin de journée. Il serait sans doute excessif d’exiger de son employeur qu’il lui offre un poste dans une autre de ses installations où ses effectifs sont complets.

En résumé, l’obligation d’accommodement est un concept juridique inhérent à l’exercice réel du droit à l’égalité et à l’interdiction de discrimination. En raison de son caractère raisonnable, il ne peut entraîner de contraintes excessives dans sa mise en oeuvre.

© Publié par Me Solange Pronovost le 26 mars 2007.

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