Par Jean Poitras, Ph.D.
Dans la foulée de la controverse sur les accommodements raisonnables, la petite municipalité d'Hérouxville fait parler d'elle, et ce même au-delà des frontières canadiennes. En effet, la municipalité a adopté des normes de vie qui interdisent notamment de lapider les femmes ou de les brûler vives, ainsi que de se promener le visage voilé. Cet événement a été discuté sous divers angles, mais pas encore en utilisant la perspective de la gestion des conflits. Ainsi, notre réflexion ne cherchera pas à déterminer qui a raison, mais plutôt à identifier comment amener cette controverse vers une zone de dialogue constructif. Quand on veut gérer un conflit, on doit éviter deux pièges pouvant entraîner une escalade nuisible : la simplification du problème et l’occultation des besoins sous-jacents aux positions. Le cas d’Hérouxville n’y fait pas exception.
Le premier piège serait de céder à la tentation de simplifier la controverse en personnalisant le problème. On chercherait alors à expliquer la polémique comme une opposition entre populations urbaine et rurale. Certains chroniqueurs ont d’ailleurs émis l’opinion que les normes de vie d’Hérouxville sont le fruit de l’ignorance de la population rurale qui est moins exposée aux immigrants, et par le fait même plus sujette à la xénophobie. Événement isolé qui ne reflète pas le Québec? Fin de la discussion ?
En gestion des conflits, il est bien connu que le fait de personnaliser un problème conduit directement vers un bris de communication. On n’essaie plus de discuter avec l’autre, mais on cherche plutôt à convaincre les observateurs de ne plus porter attention à l’autre. C’est l’escalade assurée du conflit. Il faut résister à cette simplification du problème. Ne pas être d’accord avec son interlocuteur ne signifie pas qu’on n'a rien en commun avec celui-ci. Au contraire, nous devons redoubler d’efforts pour trouver des points communs afin de relancer le dialogue.
Le deuxième piège consisterait à ne considérer les normes d’Hérouxville qu’au premier degré. Dans cette perspective, on chercherait à évaluer si ces normes contreviennent à la Charte canadienne des droits et libertés. Certains juristes ont d’ailleurs émis l’opinion qu’elles n’étaient pas constitutionnelles. Des chroniqueurs ont affirmé qu’elles étaient tout simplement insignifiantes. Les Hérouxvillois auraient donc tort? Fin de la discussion ?
En gestion des conflits, on ne s’intéresse pas tant au message qu’aux besoins exprimés par celui-ci. La proclamation des normes cache une peur de voir son mode de vie perturbé. Ainsi, les normes ne sont qu’un moyen maladroit d’exprimer un désir de préserver son identité. L’argumentation sur la validité des normes de vie risque d’être stérile. Par contre, le dialogue sur le respect des identités peut quant à lui être porteur. De façon paradoxale, lorsque les « immigrants » demandent des accommodements raisonnables, n’est-ce pas avec l’intention de faire respecter eux aussi leur identité? N’y a-t-il pas là un point commun avec les Hérouxvillois qui pourrait être utile pour ouvrir le dialogue sur la manière de concilier ces préoccupations tout à fait légitimes?
Le cas de Hérouxville devrait attirer notre attention sur l'importance de ne pas personnaliser le problème, de rechercher les besoins derrière les positions et d’ouvrir le dialogue sur les points communs. Ces conseils s’appliquent à ce cas, mais aussi à d’autres types de conflit. En famille, au bureau et entre voisins, les pièges de l’escalade conflictuelle sont pernicieux. Saurons-nous les éviter? Le cas d’Hérouxville est-il le début d’une escalade ou encore l'amorce d’un dialogue?
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