Les médiateurs donnent parfois leur avis sur les options de solutions avancées par les personnes qui participent à la résolution de leur conflit. En fait, le modèle de médiation évaluative est basé principalement sur l'opinion des intervenants pour faire débloquer les impasses. Par contre, lorsqu’il s’agit de divulguer les stratégies de médiation, ils sont beaucoup plus hésitants. Doit-on, par exemple, expliquer la raison pour laquelle on rencontre telle personne en premier? Et si on décide d’être transparent par rapport aux façons de faire utilisées, existe-il un risque de diminuer l’influence de celles-ci? Nous proposons dans cette chronique une analyse des avantages et des inconvénients associés au fait d’être limpide en regard de ses modes d’intervention pour conclure par la suite sur les meilleures pratiques.

Risques associés à la transparence. Certaines craintes peuvent motiver les résistances potentielles du médiateur quant au fait de révéler ses stratégies. En effet, d'aucuns peuvent avoir peur qu'en agissant ainsi, cela en diminue l’efficacité. En d’autres termes, si les gens connaissent la démarche et son objectif, ils peuvent tenter de ne pas laisser le médiateur opérer librement.
Ensuite, pour d'autres intervenants, expliquer leurs façons de faire peut être relié à une perte de prestige. Le médiateur est alors conceptualisé comme un magicien des conflits qui peut donc, à l'aide de stratégies « spéciales », amener les individus vers une entente. Dans cette perspective, celui qui fait preuve de limpidité dilue son aura d’expertise et risque ainsi d'amoindrir son statut auprès d'eux.
Finalement, certains médiateurs ont la propension de croire que cela peut miner leur pouvoir procédural. Pour eux, moins les gens détiennent d’informations sur leurs stratégies, moins ils ont un mot à dire sur le déroulement du processus de médiation. Que feront-ils s'il y a opposition à la démarche proposée ? Lorsqu’on travaille avec des personnes qui ont tendance à contester l’autorité, le problème peut être bien réel.
Avantages de la transparence. Malgré tout, être transparent quant à ses choix stratégiques peut être bénéfique pour la dynamique de médiation. D’abord, cela favoriserait la confiance. En effet, un des piliers de celle-ci est la prévisibilité. Plus les gens sont en mesure d’anticiper ce qui va se passer, plus ils se fient au médiateur. Ainsi, révéler ses stratégies diminuerait l’incertitude et augmenterait le degré de confiance à son endroit.
Ensuite, la transparence permet de mieux gérer l’asymétrie des interventions. Celles d’un médiateur peuvent varier légèrement d’une personne à l’autre selon le contexte, le type de conflit ou la personnalité de l’une d'elles. À titre d’exemples, voici des situations communément associées à une intervention asymétrique :
- Prendre la parole en premier - Celui qui exprime sa version des faits au début peut avoir un avantage stratégique sur le déroulement de la discussion car il lui donnera le ton
- Recevoir davantage de renseignements - Si le médiateur fournit plus d’explications ou d’informations à l’un des protagonistes du fait que celui-ci comprend moins bien le contexte du conflit, il y a risque que son vis-à-vis ait l’impression que le médiateur l’«aide» injustement
- Être interpellé plus souvent - Dans l'éventualité où le médiateur coupe plus souvent la parole à l’une des personnes car celle-ci ne cesse de blâmer et de critiquer l’autre, lorsqu'elle est interrompue, elle peut venir à penser que l'intervenant entretient un préjugé défavorable à son égard
En expliquant à la fois le choix d’une stratégie et l’impact recherché, le médiateur permet aux individus de comprendre pourquoi il agit d’une certaine manière. Il évite ainsi de laisser place à leur imagination, alors qu'ils pourraient interpréter ses comportements comme un signe de parti pris envers l’un ou l’autre. La transparence favoriserait donc l’acceptation des interventions asymétriques.
Finalement, en agissant ainsi, les tiers intervenants peuvent faciliter le déroulement du processus de médiation car cela leur permettrait de développer une complicité avec les protagonistes. Non seulement la compréhension des stratégies en augmenterait l’acceptation, mais elle encouragerait aussi l’adhésion à celles-ci. Ainsi, les gens pourraient consentir à moduler leurs comportements pour rendre la démarche plus facile s'ils saisissent bien l'orientation du médiateur. Par exemple, ils pourraient plus aisément être d'accord à reporter certaines demandes plus loin dans le processus afin de ne pas mettre de l’huile sur le feu s'ils comprennent en quoi le report s’inscrit dans son plan de match.
Références
- MOFFITT, Michael. Casting light on the black box of mediation: Should mediators make their conduct more transparent. Ohio St. J. on Disp. Resol., 1997, vol. 13, p. 1.
- SHAPIRA, Omer. Exploring the concept of power in mediation: mediators' sources of power and influence tactics. Ohio St. J. on Disp. Resol., 2008, vol. 24, p. 535.
- SZEJDA FEHRENBACH, Keri et S. EBESU HUBBARD, Amy. Future directions in neutrality research: symmetry and transparency. International Journal of Conflict Management, 2014, vol. 25, no 3, p. 226-242.
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