Pour régler à l’amiable une situation problématique, il faut être ouvert aux idées de l’autre et accepter de faire des compromis. Si cette affirmation semble aller de soi, il n’est pas rare que l’attitude des protagonistes soit en complète opposition avec cette nécessité. Comment interpréter le refus de considérer des explications nouvelles explications fournies en cours de discussion. Est-ce un signe de mauvaise foi? S'agit-il d'une stratégie de négociation compétitive? Serait-ce plutôt l'indice d’un besoin psychologique sous-jacent? Votre interprétation du comportement des individus impliqués dans le conflit aura un impact sur le choix de votre stratégie pour gérer le phénomène. Les psychologues se sont intéressés à cette attitude intransigeante et l’on nommée «besoin de clôture». Comment un médiateur peut-il agir efficacement face à cette dynamique?
Illusion perceptive: Le besoin de clôture vous fera voir ces formes comme un cercle et un rectangle. |
En situation de conflit, ces personnes éviteront les discussions qui risquent de les confronter à des situations qui entrent en contradiction avec leurs connaissances et opinions, ou qui sont inconsistantes par rapport à celles-ci. Elles adopteront généralement une attitude dogmatique et seront peu ouvertes à modifier leurs avis. Elles n’exploreront pas les divers points de vue ni les options avancées puisqu’elles détestent l’ambigüité. Elles voudront régler rapidement le différend sans évaluer de compromis possibles. Il va sans dire que le besoin de clôture constitue une motivation psychologique peu compatible avec la recherche de solution en situation de médiation.
Le degré de ce besoin peut varier en fonction de la personnalité. Par exemple, celui des individus anxieux sera beaucoup plus élevé. Le contexte est également un facteur qui influence. Ainsi, le stress et une situation où les enjeux sont importants exacerbent cette caractéristique. On peut donc aisément concevoir que les situations conflictuelles sont propices à déclencher le besoin de clôture des protagonistes, que ce soit en raison d'un contexte tendu ou encore de la présence de personne présentant un profil psychologique marqué par l'anxiété.
Le médiateur doit traiter ce besoin lorsqu’il paralyse les discussions chez l’un ou encore pire, chez tous les protagonistes. Mais quelle est la meilleure manière de procéder? C’est sur cet aspect que les résultats des études portant sur le besoin de clôture peuvent être utiles. En effet, pour le contrer, l’argumentation et l’appel à la patience ne seront d'aucune efficacité. La fermeture aux nouvelles idées rendra les individus imperméables aux explications. L’intolérance à l’ambiguïté fera en sorte qu'ils voudront esquiver les discussions.
Le médiateur avisé devra plutôt adopter une stratégie de modération du besoin de clôture. À cet effet, la littérature scientifique propose deux approches.
Créer un sentiment de sécurité. Puisque le stress et l’angoisse du futur exacerbe le phénomène, un bon moyen d'en tempérer l'intensité est de créer un sentiment de sécurité par rapport au processus de médiation. L’idée est de rendre la participation à la démarche et à la discussion avec l'autre la moins anxiogène possible. Les stratégies suivantes ont été proposées par les auteurs :
- Procéder à des rencontres individuelles pour minimiser l’anxiété relationnelle associée au fait d’être en présence de l’autre
- Assurer les personnes participantes que vous filtrerez les conversations et limiterez les attaques personnelles lors des rencontres conjointes
- Sécuriser les protagonistes quant au fait qu’il n’y a pas d’obligation d’être d’accord avec l’autre ni de trouver une entente
- Résumer leurs préoccupations pour leur montrer que vous comprenez ce qui est important pour eux
- Donner une chance égale aux protagonistes de s’exprimer
- Les traiter de façon égale (ex. : temps de parole équivalant, absence de préjugé, attitude corporelle qui démontre une attention identique portée à chacun, etc.)
- Expliquer ses décisions procédurales (ex. : quant à la personne qui parlera en premier, à la raison de procéder à un caucus, etc.)
- Démontrer du respect pour les opinions et besoins exprimés tout en évitant de donner l'impression de prendre parti
Évidemment, certaines personnes pourront conserver un besoin de clôture élevé malgré tous les efforts du médiateur. Cela sera notamment le cas lorsqu'il est ancré dans un trait de caractère. Néanmoins, en règle générale, un intervenant peut le modérer et ainsi permettre de meilleures discussions en travaillant le contexte dans lequel elles se déroulent. Bien plus qu'un appel à être raisonnable, la gestion du climat et de la procédure s'avèrent des stratégies plus efficaces pour créer de l’ouverture aux idées de l’autre. En plus d’être un intermédiaire, le médiateur joue aussi en quelque sorte, un rôle de maître de cérémonie.
Références
- DE DREU, Carsten KW et NIJSTAD, Bernard A. Mental set and creative thought in social conflict: Threat rigidity versus motivated focus. Journal of personality and social psychology, 2008, vol. 95, no 3, p. 648.
- GIACOMANTONIO, Mauro, PIERRO, Antonio, et KRUGLANSKI, Arie W. Leaders' fairness and followers' conflict handling style: The moderating role of need for cognitive closure. International Journal of Conflict Management, 2011, vol. 22, no 4, p. 358-372.
- MIKULINCER, Mario. Adult attachment style and information processing: Individual differences in curiosity and cognitive closure. Journal of personality and social psychology, 1997, vol. 72, no 5, p. 1217.
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