lundi 4 mai 2015

Qu'est-ce qui inspire confiance dans un médiateur?

Par Jean Poitras, Ph.D.
 
La littérature portant sur la gestion de conflits stipule que la confiance des parties envers le médiateur est un facteur clé de succès d'une médiation. En effet, les médiateurs expérimentés conviennent qu'obtenir la confiance des parties est une tâche prioritaire lors de l'amorce d'une intervention. Lorsque vient le temps d'expliquer comment les parties en viennent à faire confiance au médiateur, plusieurs affirment que c'est une question de perception d'impartialité. Mais est-ce bien le premier facteur clé? Les recherches semblent suggérer autre chose.
 
Selon les recherches, trois facteurs semblent importants pour l'émergence d'une relation de confiance entre le médiateur et les parties. D'abord, le médiateur inspire confiance en raison de son expérience avec le processus de médiation. Ensuite, le médiateur inspire confiance en expliquant une partie ou la totalité du processus de médiation pour mettre les parties de se sentir à l'aise avec ce processus. Finalement, le médiateur inspire la confiance en étant chaleureux et en démontrant de la considération pour le point de vue des parties. Notons que parmi les trois facteurs énumérés, la démonstration d'empathie est le facteur le plus important! On est donc bien loin de l'image du médiateur «neutre».
 
Est-ce à dire que l'impartialité n'est pas importante? Bien sûr que non! Les recherches démontrent que la perception d'impartialité ne crée pas de relation de confiance, mais que celle de partialité la détruit! Le dilemme pour le médiateur est donc de démontrer une certaine dose de chaleur et de considération envers une partie, tout en évitant de paraître partial aux yeux de l'autre qui observe cette démonstration d'empathie. S'agit-il d'un défi impossible? Pas nécessairement.
 
En effet, le médiateur dispose d'une stratégie clé: le caucus. En utilisant les rencontres privées, le médiateur peut faire preuve d'empathie à une partie sans paraître biaisé au yeux de l'autre, en autant qu'il offre à chaque partie la même opportunité afin de paraître équitable. Mais attention, il ne s'agit pas de devenir complice des parties en secret, mais simplement de démontrer qu'on prend le temps de les comprendre leurs points de vue et qu'on est capable de résumer leurs besoins. Et cela, c'est une question de maîtrise du processus...

Références
  • POITRAS, Jean. What makes parties trust mediators?. Negotiation Journal, 2009, vol. 25, no 3, p. 307-325.
  • STIMEC, Arnaud et POITRAS, Jean. Building trust with parties: Are mediators overdoing it?. Conflict Resolution Quarterly, 2009, vol. 26, no 3, p. 317-331.

2 commentaires:

Guillaume Coudray a dit…

Merci pour ce blog.

Démontrer de la considération pour chacune des parties ne signifie pas basculer dans la partialité, a partir du moment ou le mediateur ne tombe pas dans un comportement de type soutien/reconfort.

De mon point de vue, la neutralite n'existe pas. Mon seul point de vigilance est de rester neutre par rapport aux solutions qui pourront etre envisagees. A part ca, le mediateur reste un etre humain, qui doit assurement fare avec ce qu'il est... au risque de perdre en humanite et donc de mettre en peril l'essence meme - et la puissance - de la mediation.

Pour resumer, je ne vois pas en quoi demontrer de l'empathie a l'un en presence de l'autre serait un probleme (je ne me suis jamais vu reproche ma partialite. Je rappelle en debut de mediation, lorsque je pose le cadre, que je reste "humain" donc "faillible" et j'invite chacun a me signaler toute parole ou geste de ma part qui pourrait etre ressenti comme de la partialite).

Attention au caucus : le risque est - tres - fort de tomber dans la complicite en se devoilant comme un "ami qui veut du bien". Le mediateur n'est plus "au milieu".
Pour ma part, j'evite au maximum le caucus, bien que tentant, car on imagine souvent que le simple fait que les parties ne soient plus en presence l'une de l'autre va permettre de debloquer les positions... alors que c'est justement la force de la mediation que de pouvoir effectuer un travail "en relation a l'autre".

Une bonne pause est souvent tout aussi benefique...

Unknown a dit…

Merci pour cet article. En matière de relation de confiance, j'ai constaté qu'un entretien téléphonique entre les réunions de médiation suffit souvent à revenir sur ce qui est important pour la personne en même temps qu'il prépare le cadre de la prochaine réunion...