La principale raison expliquant le taux d’impasse élevé pour ce type de conflit est que pour les parties, il est difficile de faire un compromis sans avoir l’impression de sacrifier ou encore de renoncer à ses valeurs. De plus, les compromis faits par les leaders risquent d'être perçus comme des «trahisons». De la part leur nature polarisante, les conflits de valeurs attirent aussi des leaders avec des styles intransigeants. Ceux-ci peuvent rendre la recherche de compromis encore plus laborieuse. Est-ce à dire qu’une négociation impliquant un conflit de valeurs est impossible?
Évitement : mettre le conflit sur la glace. Parfois, les parties choisissent de mettre sur la glace leurs revendications pour laisser un peu d’eau s’écouler sous les ponts. Il s’agit alors de remettre le débat à plus tard afin de permettre une baisse de la polarisation du débat, ou encore que celui-ci se résorbe avec le temps. Si cette stratégie peut sembler intéressante à court terme, elle ne fait généralement que «pelleter » le problème en avant. Par exemple, l’opposition officielle du gouvernement du Québec a proposé d’annuler la hausse des frais de scolarité et d’amorcer plus tard un dialogue entre les divers acteurs (les étudiants, etc.). À court terme, on permettrait une sortie de crise. Mais le risque de voir les manifestations reprendre dès que le gouvernement avancerait l’idée d’une hausse des frais de scolarité est important.
La compétition: le choix de la majorité. Un autre moyen de régler un conflit de valeurs consiste à choisir quelle valeur dominera. La lutte de pouvoir peut-être armée ou encore démocratique. C’est par une guerre civile que les États-Unis ont tranché le débat sur l’abolition de l’esclavage. À chaque élection, un parti avec une idéologie et des valeurs plus ou moins définis est porté au pouvoir. Dans le cas de la grève étudiante, on pourrait imaginer un référendum portant sur l’augmentation des frais de scolarité. Certains chroniqueurs politiques avancent même que le gouvernement pourrait déclencher une élection avec comme enjeu électoral la hausse des frais de scolarité.
Le compromis : le dénominateur commun. Lorsque les parties sont en mesure de trouver un point commun entre leurs revendications respectives, elles peuvent alors amorcer une négociation autour de ce point. Évidemment, les différences de valeurs persistent, mais si le point commun est suffisamment important et significatif, il peut justifier certains compromis de la part des parties. Cette approche peut donner des résultats surprenants. Nelson Mandela et le Président DeClerk ont négocié la fin de l’apartheid avec comme toile de fond le désir commun d’une transition harmonieuse. Dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement et les étudiants pourraient s’entendre sur le point commun de maintenir l’accès aux études pour les étudiants pauvres. Après négociation sur les stratégies visant à préserver l’accessibilité aux études, un compromis pourrait être négocié sur la hausse des frais de scolarité. Mais si ce point commun n’est pas significatif par rapport aux valeurs en jeu, il est peu probable qu’il permettre de dénouer l’impasse. Pour les étudiants qui veulent la gratuité totale, le maintient de l’accessibilité avec par des bourses ou des prêts n’est probablement pas suffisant pour briser l’impasse.
L’intégration: l’objectif supérieur. La dernière stratégie est de transformer le conflit en élargissant le cadre de discussion pour inclure un objectif supérieur aux valeurs des protagonistes. Il ne s’agit pas pour les parties de renoncer à leurs valeurs, mais de discuter d’un enjeu supérieur. Lors de la 2ième guerre mondiale, l’U.R.S.S et les États-Unis ont mis leur idéologie respective de côté pour se concentrer sur l’objectif commun de vaincre l’Allemagne Nazi. Et si le gouvernement et les étudiants discutaient de la création d'un environnement pédagogique stimulant à partir des revenus de la hausse des frais de scolarité? Peut-être les étudiants auraient ainsi l’impression d’en «avoir pour leur argent.» Il est important de retenir que l’intégration ne fonctionne que si l’objectif commun est vraiment supérieur aux valeurs en conflits. Si pour les étudiants il est plus important que l’université soit gratuite plutôt que celle-ci offre un enseignement de qualité, l’angle de négociation proposé dans cet exemple ne permettra pas de dénouer l’impasse. De plus, la stratégie d’intégration peut nécessiter de remettre toutes les décisions antérieurs sur la table pour être renégocier, ce qui peut rendre parfois cette option moins attrayante. On peut aisément imaginer la résistance du gouvernement à cet effet.
Référence
Comment dénouer un conflit de valeur?
Quatre stratégies permettent de «régler» les conflits de valeur: l'évitement, la compétition, le compromis et l'intégration.Évitement : mettre le conflit sur la glace. Parfois, les parties choisissent de mettre sur la glace leurs revendications pour laisser un peu d’eau s’écouler sous les ponts. Il s’agit alors de remettre le débat à plus tard afin de permettre une baisse de la polarisation du débat, ou encore que celui-ci se résorbe avec le temps. Si cette stratégie peut sembler intéressante à court terme, elle ne fait généralement que «pelleter » le problème en avant. Par exemple, l’opposition officielle du gouvernement du Québec a proposé d’annuler la hausse des frais de scolarité et d’amorcer plus tard un dialogue entre les divers acteurs (les étudiants, etc.). À court terme, on permettrait une sortie de crise. Mais le risque de voir les manifestations reprendre dès que le gouvernement avancerait l’idée d’une hausse des frais de scolarité est important.
La compétition: le choix de la majorité. Un autre moyen de régler un conflit de valeurs consiste à choisir quelle valeur dominera. La lutte de pouvoir peut-être armée ou encore démocratique. C’est par une guerre civile que les États-Unis ont tranché le débat sur l’abolition de l’esclavage. À chaque élection, un parti avec une idéologie et des valeurs plus ou moins définis est porté au pouvoir. Dans le cas de la grève étudiante, on pourrait imaginer un référendum portant sur l’augmentation des frais de scolarité. Certains chroniqueurs politiques avancent même que le gouvernement pourrait déclencher une élection avec comme enjeu électoral la hausse des frais de scolarité.
Le compromis : le dénominateur commun. Lorsque les parties sont en mesure de trouver un point commun entre leurs revendications respectives, elles peuvent alors amorcer une négociation autour de ce point. Évidemment, les différences de valeurs persistent, mais si le point commun est suffisamment important et significatif, il peut justifier certains compromis de la part des parties. Cette approche peut donner des résultats surprenants. Nelson Mandela et le Président DeClerk ont négocié la fin de l’apartheid avec comme toile de fond le désir commun d’une transition harmonieuse. Dans le cas qui nous intéresse, le gouvernement et les étudiants pourraient s’entendre sur le point commun de maintenir l’accès aux études pour les étudiants pauvres. Après négociation sur les stratégies visant à préserver l’accessibilité aux études, un compromis pourrait être négocié sur la hausse des frais de scolarité. Mais si ce point commun n’est pas significatif par rapport aux valeurs en jeu, il est peu probable qu’il permettre de dénouer l’impasse. Pour les étudiants qui veulent la gratuité totale, le maintient de l’accessibilité avec par des bourses ou des prêts n’est probablement pas suffisant pour briser l’impasse.
L’intégration: l’objectif supérieur. La dernière stratégie est de transformer le conflit en élargissant le cadre de discussion pour inclure un objectif supérieur aux valeurs des protagonistes. Il ne s’agit pas pour les parties de renoncer à leurs valeurs, mais de discuter d’un enjeu supérieur. Lors de la 2ième guerre mondiale, l’U.R.S.S et les États-Unis ont mis leur idéologie respective de côté pour se concentrer sur l’objectif commun de vaincre l’Allemagne Nazi. Et si le gouvernement et les étudiants discutaient de la création d'un environnement pédagogique stimulant à partir des revenus de la hausse des frais de scolarité? Peut-être les étudiants auraient ainsi l’impression d’en «avoir pour leur argent.» Il est important de retenir que l’intégration ne fonctionne que si l’objectif commun est vraiment supérieur aux valeurs en conflits. Si pour les étudiants il est plus important que l’université soit gratuite plutôt que celle-ci offre un enseignement de qualité, l’angle de négociation proposé dans cet exemple ne permettra pas de dénouer l’impasse. De plus, la stratégie d’intégration peut nécessiter de remettre toutes les décisions antérieurs sur la table pour être renégocier, ce qui peut rendre parfois cette option moins attrayante. On peut aisément imaginer la résistance du gouvernement à cet effet.
Conclusion
Suffit-il de trouver un intérêt supérieur pour dénouer un conflit de valeurs? Malheureusement, ce n’est pas aussi simple. En effet, les conflits de valeurs sont généralement des conflits de groupes. Conséquemment, ce type de conflit est dominé par la dynamique des coalitions intra-groupes (entre les membres d'une même coalition). Ainsi, c’est cette dynamique qui le plus souvent va influencer l’ouverture ou la fermeture des parties à l'égard de la recherche d'un compromis. En effet, le maintient de la cohésion de groupe nécessite parfois d’adopter la ligne dure. C’est alors seulement lorsque que cette cohésion s’effrite que les leaders deviennent plus «ouverts» aux compromis. Nous explorerons donc dans une prochaine chronique la dynamique des coalitions en négociation.Référence
- Scott, A. Et R. Axelrod. (2008) « Reframing Sacred Values», Negotiation Journal, 24 (3), p. 221-246.
- Grève étudiante québécoise de 2012 (Wikipedia)
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