dimanche 14 octobre 2007

Étiologie d’un conflit chronique

Il est instructif de comprendre le processus par lequel les situations conflictuelles peuvent devenir permanentes. Comment se fait-il qu’une dispute mineure entre un employé et un patron puisse ouvrir la voie à une guerre ouverte entre le clan des employés et celui des patrons? La réponse à cette question est toute simple : le différend mineur n’a pas été désamorcé et il est devenu chronique au fil du temps. L’étiologie de la chronicité d’un conflit se résume en deux étapes : l’émergence du conflit et l’absence de résolution.

Émergence des conflits
Dans le contexte intra-organisationnel d’une entreprise, un conflit représente un désaccord qui s’exprime entre un employeur et un employé, ou entre deux ou plusieurs employés. Le désaccord peut reposer sur des questions de fond, c’est-à-dire que les parties s’opposent quant aux buts à poursuivre ou quant aux moyens de les atteindre.
Le désaccord peut aussi émerger d’un conflit de personnalités ou encore de problèmes communicationnels entre des individus ou des groupes qui entraînent notamment des frictions, de la crainte, de la frustration, de la colère ou de la méfiance.

De plus, il ne faut pas non plus oublier les conflits liés aux intérêts comme les attentes salariales, les inquiétudes liés aux responsabilités familiales et à leur conciliation en milieu de travail, les effets de la précarité de l’emploi, la gestion de carrière et le besoin de diversification des compétences.

Finalement, il y a aussi les conflits liés aux structures comme les charges de travail de plus en plus élevées, la lourdeur administrative des différents processus de gestion et de traitement, les effets d’une hiérarchie qui laisse peu d’autonomie, le manque de consultation et d’appropriation dans la gestion du changement. Les sources de conflits sont multiples.

Il en va de même pour les symptômes qui sont tout aussi multiples, tels que la désobéissance, la baisse de motivation, les performances insatisfaisantes de certains bons travailleurs, le vol et la fraude, la discrimination, les traitements abusifs et bien entendu les conflits de personnalités apparents. L’énergie négative dégagée par des conflits non résolus peut donc se manifester de plusieurs façons.

Absence de résolution
Nous avons déjà mentionné que l’absence de résolution explique la chronicité de certaines situations conflictuelles. Divers facteurs peuvent expliquer l’absence de résolution, mais ceux-ci peuvent généralement être classés en quatre catégories : manque de procédures, manque de motivation, manque d’habiletés et manque de ressources.

En premier lieu, le manque de procédures de résolution de conflits peut être à l’origine de la résurgence d’un conflit donné. L’absence de procédures appropriées pour gérer les conflits fait en sorte que rien ne puisse être fait pour prévenir l’inflation ou l’escalade d’un conflit. Parfois, les procédures déjà en place ne se prêtent pas à la gestion de certains types de plaintes. Pensons simplement à l’inadéquation d’une procédure de griefs pour traiter des conflits entre salariés d’une même unité. Dans les deux cas, l’absence de traitement des conflits crée de la frustration. Les plaintes dégénèrent souvent en luttes de pouvoir coûteuses. Sans processus adéquat pour gérer les conflits, le risque existe de voir les conflits finir par influencer fortement le fonctionnement d'une organisation.

En deuxième lieu, le manque de motivation des parties à résoudre le conflit peut aussi faire en sorte que celui-ci perdure et se répète. En effet, il peut paraître plus simple à première vue « d’oublier » le conflit et de passer à autre chose. D’une part, les parties peuvent avoir l’impression qu’il sera désagréable de s’occuper du conflit. Elles peuvent aussi être convaincues que le processus de résolution en place sera long et fastidieux. Enfin, elles peuvent avoir la conviction qu’il est tout simplement impossible d’en arriver à une quelconque entente avec l’autre partie. Ces sources de démotivation peuvent donner l’impression aux parties qu’il est plus simple de laisser aller la situation.

En troisième lieu, le manque d’habiletés des parties peut également contribuer à la réapparition de certains conflits. En effet, si les parties n’ont pas développé d’habiletés pour résoudre des différends ou si elles ne savent pas bien s’écouter ou négocier, il sera plutôt ardu pour elles de régler efficacement leur conflit étant donné qu’elles ne sauront pas comment en arriver à une solution satisfaisante pour toutes les parties. De façon plus précise, il peut parfois être très opportun et utile de vérifier les habiletés dont disposent certaines personnes clés dans une organisation puisqu’il est tout à fait possible que la récurrence de certains conflits soit attribuable à leur attitude ou comportement. Les carences sur le plan des habiletés en communication sont si fréquentes qu’elles sont parfois considérées comme formant le facteur de récurrence le plus courant.

En quatrième et dernier lieu, le manque de ressources appropriées peut aussi expliquer la non-résolution d’un conflit. En ce qui a trait aux ressources humaines, le manque à l’interne de personnes neutres aptes à être considérées équitables et impartiales ou le manque de financement permettant d’avoir recours à des ressources externes sont autant de facteurs qui ont le même effet sur les conflits, soit leur non-résolution définitive. Au niveau des ressources organisationnelles, certaines installations comme un local de rencontre doivent également être accessibles pour favoriser l’application des mesures de gestion de conflits.

Finalement, les ressources humaines et organisationnelles sont souvent tributaires des ressources financières nécessaires pour gérer des conflits. En effet, lorsque le règlement des différends n’est pas une priorité de l’organisation, le manque de ressources pour gérer les conflits est généralement flagrant.

© Publié par Jean Poitras le 14 octobre 2007

Aucun commentaire: